Le 3 novembre 1948 s’ouvre devant la Cour d’Assises de Côte-d’Or le procès de trois hommes de la Brigade légère du Languedoc, constituée de FFI issus de maquis FTP. Durant trois jours, le capitaine EXBRAYAT 1 , le sous-lieutenant ROUSSEAU et l’adjudant BALDASSARRI comparaissent pour l’exécution d’un couple d’éclusiers sur le canal de Bourgogne, accusés d’être des agents de la Gestapo et d’un personnage suspecté de collaboration active, tous trois retrouvés morts quelques semaines après la Libération de la région, le 16 octobre 1944. Le contexte politique et social pèse sur le procès : il se déroule pendant la grève des mineurs d’octobre-novembre 1948, moment de grande tension intérieure, et pendant la crise internationale déclenchée par l’initiative soviétique d’organiser le blocus de Berlin-Ouest pour riposter au initiatives des Occidentaux jetant les bases d’un nouvel Etat allemand dans leurs zones d’occupation. Ce double arrière plan réactive brutalement les plaies ouvertes par les temps d’occupation du pays et tend à connecter les deux séquences. Il est d’ailleurs frappant de constater que les organes de presse, tout particulièrement France d’abord associent volontiers la protestation en faveur des anciens résistants poursuivis avec les protagonistes des événements en cours traînés devant la justice. Ceci tend d’ailleurs à laisser penser que les poursuites contre des résistants sont exclusivement dirigées contre d’anciens FTP alors que de gens notoirement anticommunistes comme François FLAMAND-MARIUS en font eux aussi l’objet. Outre ces éléments majeurs du contexte national et mondial, une affaire vient alourdir le climat politique, à partir de fin septembre. Lors de la visite du général de GAULLE à Grenoble, le 18 septembre, des heurts violents opposent les services d’ordre du PCF et du RPF. L’un des contre-manifestants communistes, Lucien VOITRIN, est tué. Il fait l’objet, de la part de la presse communiste, d’une campagne d’héroïsation où sa figure de FTP pur est opposée à celle démythifiée du chef de la France libre. Comme l’a démontré Philippe BARRIERE 1 , il a fallu beaucoup travestir une réalité moins glorieuse pour constituer VOITRIN, ancien PPF rallié au PCF après la guerre, en archétype de l’homme du peuple, figure résistante noble et sans tache.
Sans lien avec son homonyme nivernais.
Philippe BARRIERE, Grenoble à la Libération (1944-1945), opinion publique et imaginaire social, L’Harmattan, 1995, p.221-223.