7-Une mémoire douloureuse, porteuse d’une volonté de réhabilitation :

Cette dernière forme identifiable est douloureuse parce qu’elle est portée par des acteurs ayant eu à souffrir de leur passé après la guerre ou par leurs proches. Paulette ASMUS pour elle-même et surtout pour l’image de son mari, n’a de cesse aujourd’hui, on l’a vu, d’obtenir que les torts faits par le PCF soient reconnus. Marcelle DENIS relève d’une même figure, en son nom comme en celui de son ancien mari. En Saône-et-Loire, deux fils de proscrits se retrouvent dans une commune volonté de défendre l’image du père : Aimé BAR, fils d’Antoine BAR-LE BARBU et Roger TISSIER, fils d’Antoine TISSIER. Si le premier a vu la mémoire de son père progressivement réintégrée dans les hommages 1 , non sans réticences 2 , le second vit toujours douloureusement le rejet sans concessions de l’image résistante pourtant établie de son père. Ce n’est pas surprenant qu’ils fassent alors référence à l’histoire de Georges GUINGOUIN pour estimer que leurs pères appartiennent à une histoire qui dépasse largement les circonstances locales, mais intègre la plupart des questions soulevées par l’histoire du PCF dans la Résistance. Négliger cette forme de mémoire fut et reste une profonde erreur. Sa prise en compte ouvre à de fécondes interrogations sur les processus politiques qui ont créé ces situations comme sur les aspects de la Résistance qui y sont associés.

Bien entendu cette typologie ne saurait chercher à enfermer chacun dans une figure figée. Si peu échappent à l’une des formes de mémoire identifiée, la plupart des acteurs pris en compte en intègrent plusieurs, l’une ou l’autre devenant principale au gré des circonstances. Elle permet une approche d’une réalité complexe et éclatée, dépassant les clichés confortables. S’ils sont porteurs d’une mémoire éclatée, incertaine, c’est bien parce que leur histoire le fut et qu’une partie des difficulté de cette mémoire est que les dimensions mythiques auxquelles ils se raccrochent en empêchent précisément la prise en compte.

Reste l’ultime question, concernant l’expression d’une mémoire résistante et sa pérennité, du rôle des associations d’anciens résistants, telles qu’elles se sont constituées depuis la Libération. Il s’agit d’une vaste investigation qu’il ne s’agira ici que d’esquisser. Elle porte sur la nature de l’image de la Résistance que les formes de mémoire collective ont constituée, sur le rapport entre cette mémoire collective et les formes de mémoire individuelle identifiées ci-dessus, sur l’histoire des associations au choc des conjonctures politiques, enfin sur la question de ce qui restera, lorsque les derniers acteurs auront disparu.

Notes
1.

Lors des cérémonies du cinquantenaire, le président de l’ARAC de Saône-et-Loire prononça au cimetière de Pouilloux un vigoureux panégyrique du BARBU.

2.

Claude ROCHAT estime encore aujourd’hui que BAR n’était pas autre chose qu’un “MARIUS chez les FTP ”. Gageons qu’en l’occurrence c’est plus l’ancien responsable des maquis que le président de l’ANACR qui s’exprime.