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Introduction

Nous entendons dire que la langue est en rapport étroit avec la pensée ou la culture. Evidemment, cette idée a été et est encore un sujet de discussion très intéressant dans plusieurs domaines scientifiques tels que la psychologie, l’anthropologie, la linguistique, etc. L’hypothèse de Sapir-Whorf est une des théories les plus connues pour ceux qui s’intéressent au rapport entre la langue et la pensée. 2

Il va de soi que chaque langue est un des reflets de la culture, manifesté par des éléments spécifiques que celle-ci possède. Donc, l’étude linguistique devra porter non seulement sur le problème de la langue elle-même, mais aussi sur celui de son environnement culturel.

Au début du XXe siècle, les linguistes ont reconstruit la grammaire coréenne en utilisant les concepts de la grammaire des langues indo-européennes, bien que ces langues n’aient aucune ressemblance linguistique. Une des plus graves erreurs dans cette tentative, c’est d’avoir voulu représenter notre système temporel d’une manière occidentale. 3 Il en résulte donc que nous rencontrons une incohérence entre notre vision du temps et sa représentation linguistique.

Bien que la notion de temps soit universelle, pourquoi ne pourrait-elle pas se représenter de manière identique d’une langue à une autre ? Cette question assez vaste serait un sujet de réflexion intéressant. La question de la représentation linguistique du temps a probablement un rapport avec la manière de concevoir la notion de temps elle-même selon la culture. 4

En général, on dit que la notion de temps est conçue comme linéaire dans la culture occidentale, alors qu’elle a une image de « cercle » dans la culture orientale :

Figure 1 Représentation du temps cyclique
Figure 1 Représentation du temps cyclique

Une telle vision du temps a un rapport avec la philosophie orientale, en particulier le bouddhisme. Nous aurons l’occasion d’en parler plus loin.

Pour résumer, il est donc naturel que le système du coréen soit difficilement compatible avec celui des langues européennes. Notons que la notion du temps elle-même est identique pour les deux langues. Simplement, la manière de voir cette notion et de la conceptualiser sont différentes entre elles.

Cela n’empêchera pas d’aller chercher une certaine structure commune entre les deux systèmes. C’est ce que, tout au long de notre travail, nous aimerions démontrer en utilisant la démarche comparative entre les systèmes verbaux coréen et français.

Notes
2.

Deux hypothèses principales de Sapir-Whorf :
« - Le langage est un produit social et le système linguistique défini, dans lequel nous sommes élevés et nous pensons depuis l’enfance, influence notre manière de percevoir le monde environnant ;
- En raison des différences entre les systèmes linguistiques, lesquelles sont le reflet des différents milieux dans lesquels ces systèmes sont nés, les hommes perçoivent différemment le monde. », A. Schaff, Langage et connaissance, p. 102.

3.

« Jusqu'à maintenant, la question du temps grammatical a été erronée à cause de Jespersen, qui a cherché à concevoir le temps grammatical en comparaison avec le temps physique. (...) La plupart des grammairiens coréens expliquent le temps grammatical à la manière des langues européennes, en introduisant des termes tels que le présent, le passé et le futur. Ils les considèrent comme concepts essentiels et absolus. Mais, ces conceptions du temps grammatical ne s'accordent pas à la réalité linguistique en coréen. », K.S. Nam, La Question du temps en coréen contemporain, p. 3-4. (Traduit par nous-mêmes)

4.

« Le temps est un des systèmes fondammentaux de toute culture. Et la culture joue un rôle si important pour la compréhension du temps comme système culturel qu’il est pratiquement impossible de le séparer des différents niveaux de culture dans lesquels il s’inscrit. », E.T. Hall, La Danse de la vie – Temps culturel, temps vécu, p. 11.