1. Langage et communication

Le chat et le chien ne pourront jamais se comprendre parce qu'ils ne peuvent pas apprendre le langage l'un de l'autre, et que ce langage est souvent contradictoire, en opposition : ils ne peuvent apprendre le langage de l'autre, car ces deux races animales ne disposent pas de la même innéité communicative. Tout ce qui est vivant utilise une forme de langage, parce que le langage est social et organise d'une certaine façon l'interdépendance des espèces. Il n'en reste pas moins qu'à chaque espèce est affecté un rôle dont il ne peut s'échapper.

Les végétaux utilisent un langage dont les formes extérieures ont pour objectif leur survie : les couleurs, les formes et les odeurs sont autant de signes extérieurs qui aident ces végétaux à effectuer leur reproduction, et donc à perpétuer l'espèce. Le langage est ici fonctionnel dans la mesure où ces signes ont des fonctions bien définies qui participent à la conservation des espèces.

Les animaux, plus proches biologiquement de l'homme (98 % des gènes sont communs à l'homme et au chimpanzé), disposent également d'un langage qui n'est pas uniquement vocal. Il peut être également gestuel ou sémiologique : les poils du chat se hérissent devant un danger ; la queue du chien se lève lorsqu'il est heureux, celle du chat lorsqu'il est inquiet, ce qui a pour effet une fausse interprétation, de part et d'autre, de ces signes extérieurs.

Ces formes de langage ne constituent que des moyens primitifs de transmission d'informations et qui sont insensibles à toute évolution due aux seules espèces qui les utilisent. Le langage humain n'est pas non plus uniquement vocal. Les gestes appuient le sens exprimé par le langage vocal. Mais la question de l'originalité du langage humain ne se pose pas qu'en termes biologiques. En quoi le langage humain se distingue-t-il de celui des animaux ?

L'homme dont la conformation et les mouvements du larynx, de la langue, du pharynx et des muscles respiratoires, liés à la spécificité du cerveau de rendre possible le langage articulé, est un animal à part. Mais cette étude qui se bornerait à définir l'homme comme un ensemble de caractères physiques ne serait pas complète si l'on n'y ajoutait la spécificité humaine : la pensée qui donne à chacun de nos actes un sens. C'est cette pensée, précisément, qui, pour immatérielle qu'elle puisse être - on ne peut pas à ce jour mettre en évidence les contenants physiques, matériels, directement visibles et analysables de la pensée, même si l'on pense pouvoir montrer qu'il en existe des mouvements -, n'en demeure pas moins, comme le dit Emile Benveniste, qu'une ‘"possibilité [...] liée à la faculté de langage, car une langue est une structure informée de signification, et penser, c'est manier les signes de la langue."3

Notes
3.

BENVENISTE, Emile (1966), Problèmes de linguistique générale, NRF Gallimard, page 74.