1. Une image culturelle du FLE

L'enseignement du FLE ne semble pas pouvoir faire l'impasse du recours à la langue maternelle en contexte scolaire à l'intérieur d'une communauté linguistique qui ne serait pas francophone. La langue française jouit dans ces conditions d'une aura particulière dans la mesure où un certain prestige historique est encore présent dans de nombreux pays qui ne sont pas francophones, mais plutôt francophiles : le français est alors la langue étrangère que les gens cultivés se doivent de posséder.

Le français était parlé à la cour de Frédéric II de Prusse aussi bien qu'à la cour de Catherine II de Russie. Si le français bénéficiait alors de cette gloire aristocratique due à la puissance du Royaume de France depuis le XVIIe siècle, il jouit également auprès des humbles et depuis la fin du siècle suivant d'une notoriété due à la gloire européenne de la Révolution Française. Les idées qu'elle a véhiculées se sont retrouvées dans une grande partie des littératures nationales des différents pays limitrophes, mais aussi plus éloignés. Les Droits de l'Homme et les idéaux révolutionnaires dans leur plus pure expression ont en effet été semés par les conquêtes de la Révolution Française et par le Premier Empire. Ne citons ici que deux exemples très révélateurs, même s'ils ne sont pas un reflet objectif de la réalité : Ludwig van Beethoven a composé sa Troisième Symphonie dite "Héroïque" en 1804, en hommage à Napoléon Bonaparte27 alors Premier Consul; Georg Büchner a décrit dans son drame de 1835, La Mort de Danton, les réflexions des principaux acteurs de la Révolution Française.

Vus à travers ce prisme historico-idéaliste, les objectifs scolaires de l'enseignement du FLE hors des pays francophones ont été bien plus culturels et philosophiques que linguistiques, et le rendement linguistique mesurable de l'apprentissage en a été par là-même ralenti.

Voici quelques années pourtant, face au constat d'échec de cet objectif purement culturel, et à cause de l'accroissement des échanges internationaux qui exigeaient une bonne maîtrise de la langue, l'objectif linguistique a repris de l'importance, et c'est le deuxième aspect des constats de manquement à l'efficacité de l'enseignement du FLE. Une réflexion sur les objectifs de l'apprentissage des langues étrangères a mis en évidence l'aspect essentiel de la communication orale. Dans un premier temps, les méthodes ont donc appelé à communiquer. Toutefois, cette communication laissait de côté son aspect écrit, et, par conséquent, de correction, c'est-à-dire l'absence d'incorrection dans le discours écrit. Celui-ci faisait l'objet d'un "niveau 2" dans lequel il fallait redéfinir une stratégie d'apprentissage correspondant mieux à cette fin : la communication passe aussi par l'écrit.

Notes
27.

Cette Troisième Symphonie, en mi bémol majeur, Opus 55, était dédiée à Napoléon Bonaparte pour qui Beethoven éprouvait une grande admiration parce qu'il incarnait, selon lui, un idéal politique de liberté et de démocratie. Lorsque Bonaparte se fit couronner empereur, Beethoven déchira sa dédicace, récrivit la première page en ajoutant : " Symphonie héroïque composée pour célébrer le souvenir d'un grand Homme ".