5. La langue maternelle s'acquiert naturellement

Lors de l'acquisition de la langue maternelle, l'enfant affermit des structures acquises par la voie naturelle, l'oreille, aidée par l'oeil.

C'est l'oreille qui est en effet déterminante pour cette acquisition. Les enfants nés avec des troubles auditifs importants ou sourds auront certes à leur disposition un ensemble d'autres moyens, notamment gestuels, pour répondre à ce besoin de communication. Toutefois, la surdité, voire de simples difficultés auditives, ont longtemps été un handicap sérieux dans l'apprentissage d'une langue, qu'elle soit maternelle ou étrangère33.

Cette nécessité de communication, restreinte au départ aux besoins vitaux, va très vite permettre l'évolution des sens de positif / négatif, plaisir / déplaisir, bon / mauvais, et se développer pour enfin devenir une expression de soi. L'enfant n'est plus simplement un récepteur, il devient un émetteur, un expresseur. Cette fonction d'expression qu'il construit dans son langage va l'amener à imiter son entourage immédiat afin d'obtenir des résultats qu'il espère, qu'il attend.

Cette acquisition se produit par tâtonnements, par une succession d'essais, d'échecs, de corrections et de répétitions. Une structure langagière ne sera acquise que si elle suit cette procédure. Toutefois, il faut remarquer qu'une structure n'est jamais définitivement acquise, même lorsqu'elle est répétée, si elle n'est pas affermie dans une pratique quotidienne ou au moins correspondant à des habitudes quasi quotidiennes34.

Notes
33.

En ce qui concerne l'acquisition des sons d'une langue étrangère, on a pu remarquer, par exemple, que les étudiants n'entendent pas tous de la même façon. Les sons acquis grâce à la langue maternelle sont ici autant d'écrans à l'acquisition des sons d'une langue étrangère.

34.

Le problème de l'illettrisme est une conséquence de cet axiome : on rapportait récemment que plus de 10 % de la population française n'étaient pas capables de lire un texte suivi de 7 lignes. Une des causes de ce problème, sans vouloir ici les étudier de façon exhaustive, ce qui dépasserait de beaucoup notre propos, sont à replacer pour une bonne part dans le contexte communicationnel de cette fin du XXe siècle. On peut en effet très bien se passer de toute lecture et de toute écriture : les informations radiodiffusées ou télévisées ne poussent plus à la lecture du quotidien, de même que le téléphone remplace la correspondance épistolaire ; on n'a même plus besoin d'écrire pour payer puisque les cartes de crédit ont remplacé les chèques qui eux-mêmes ne sont plus libellés que par des machines. Le manque de pratique lecture/écriture nous semble ici participer de la baisse importante de pratique de la communication écrite et, partant, de la perte de ce savoir communiquer par écrit.