1. Le primat de l'objet "langue"

La première forme attestée d'enseignement d'une langue étrangère en milieu scolaire remonte à l'invention de l'écriture, seules traces encore disponibles aujourd'hui. Il y a plus de 5000 ans, les petits Akkadiens, d'origine sémitique, destinés à devenir des scribes adoptent l'écriture de Sumer, symbole à leurs yeux du plus haut degré de civilisation. La langue n'est alors constituée que de mots, soigneusement listés en colonnes, véritables dictionnaires de traduction auxquels s'ajoutent des remarques phonétiques, voire des phrases grammaticales dont on transpose le sens.

Malgré la disparition des Sumériens, 1000 ans plus tard, la langue subsiste, dans le registre de la langue des scribes, c'est-à-dire comme langue savante, jusqu'au premier siècle avant Jésus-Christ, à côté de l'akkadien, réservé à la communication quotidienne74.

Cette conception de l'apprentissage d'une langue étrangère réservé à une élite de lettrés et de savants renvoie à la question précédente : Quelle était la conception de la langue des Akkadiens lorsqu'ils apprenaient le sumérien ? Cette conception a-t-elle évolué ? Qu'est-ce aujourd'hui que la langue et qu'est-ce que la culture qu'elle véhicule ?

S'il reste difficile aujourd'hui de répondre à la première, attendu qu'on ne dispose que peu de documents authentiques, les deux dernières questions ne sont pas sans intérêt, car leur réponse peut montrer ce que l'évolution des connaissances dans le domaine de la réflexion linguistique a pu apporter à la didactique des langues. Nous nous contenterons ainsi, comme nous l'avons dit plus haut, et suivant en cela le modèle préconisé par Claude Germain (pages 299 à 310), d'interroger les méthodes ou approches utilisées ou préconisées au XXe siècle.

Notes
74.

Cf. GERMAIN, Claude, op. cit., pages 19 à 30.