1. Objet de l'analyse contrastive

La perspective contrastive implique une comparaison entre deux ou plusieurs langues qui se confrontent dans un processus d'apprentissage. Cette comparaison est le domaine d'une branche de la linguistique confrontative153 dont le trait caractéristique est qu'elle doit tenir compte aussi bien des dissemblances que des ressemblances entre les langues comparées.

Toutefois son application dans le domaine de l'enseignement la rend contrastive dans la mesure où ce sont les différences, les contrastes des langues qui vont être surtout retenus, même si les ressemblances et les fausses ressemblances ne posent pas moins de problèmes difficiles à résoudre aux apprenants.

En outre, l'analyse contrastive est en fait une analyse bicontrastive, dans la mesure où le nombre et la position des langues engagées dans ce processus sont déterminés à l'avance. Il n'y a en effet la plupart du temps que deux langues en présence, chacune occupant une position déterminée: l'une est la langue base, L1, l'autre est la langue cible, L2, et la relation entre les deux est unidirectionnelle de L1 vers L2. Les relations génétiques des deux langues ne sont aucunement prises en compte puisqu'on ne va comparer systématiquement que certains éléments des deux langues.

De plus, l'étude contrastive se concentre bien plus sur l'émission des messages que sur leur réception, même si cette réception est impliquée dans l'émission comme une condition préalable nécessaire. Cela est dû au fait que le production des phrases permet une saisie immédiate et directe alors que la réception n'est observable qu'indirectement dans des émissions ultérieures. C'est ce qui fait considérer l'analyse contrastive comme une grammaire de l'enseignant plus que comme une grammaire de l'élève et qu'elle concerne davantage l'enseignement que l'apprentissage.

L'analyse contrastive s'occupe aussi des interférences, ces erreurs qui s'expliquent par la transposition des structures de L1 dans la production de messages en L2. L'apprenant d'une langue étrangère dispose en effet d'éléments qui font écran entre ce qu'il veut exprimer et les moyens dont il dispose à cet effet. En isolant les zones d'une L2 les plus difficilement acquises par un locuteur de L1, l'enseignant a la possibilité d'organiser le matériel didactique en fonction des erreurs générales observées dans les performances des apprenants. La lapsologie de G. Nickel154 ou la grammaire interférentielle sont autant de propositions liant étroitement cette analyse des erreurs à l'analyse contrastive.

Le champ de l'analyse contrastive peut être délimité aussi par les objectifs qu'elle s'assigne. Elle se propose de contribuer à la constitution du corpus d'informations que l'on doit transmettre dans le processus d'enseignement ou syllabus.

Ainsi, en retenant surtout les dissemblances entre les langues, l'analyse contrastive constitue un moyen d'aider à résoudre, même si ce n'est que partiellement, les problèmes concrets de l'enseignement grâce à l'élaboration d'une grammaire pédagogique ou bigrammaire et à l'organisation du matériel pédagogique.

Notes
153.

Voir ZABROCKI, L. (1970), "Die Methodik des Fremdsprachenunterrichts vom Standpunkt der Sprachwissenschaft", in: Glottodidaktika 5, pages 1 à 35.

154.

NICKEL, G (1971), "Contrastive Linguistics and Foreign Language Teaching", in Papers in Contrastive Linguistics, Cambridge University Press.