3.1. Le modèle structural ou taxinomique

Ce modèle structural comporte deux courants: le fonctionnalisme issu des réflexions de l'Ecole de Prague, et le distributionnalisme américain.

Le fonctionnalisme distingue trois types de relations syntaxiques universellement présents dans toutes les langues:

  • une relation d'implication réciproque qui existe entre deux termes qui se présupposent mutuellement (sujet-prédicat, article-substantif, etc.);

  • une relation d'implication unilatérale entre un terme régissant et un terme régi (adjectif épithète-substantif);

  • une relation de coexistence indépendante entre deux termes qui ne se conditionnent pas l'un l'autre, mais qui peuvent coexister (termes coordonnés).

Ces relations, présentes dans toutes les langues peuvent pourtant être différentes d'une langue à l'autre si l'on prend pour point de départ de la comparaison des unités hétéronymiques, ‘"à signifié unique et à deux signifiants"157.’

Le distributionnalisme américain décrit la langue comme un ensemble de règles capables de rendre compte des énoncés émis. Les règles sont donc établies par induction à partir d'un corpus (texte fini) qui se présente sous la forme d'une suite d'énoncés (chaîne). Le caractère essentiel du langage est sa linéarité et la formulation des règles repose exclusivement sur l'analyse du corpus considéré et sur la nature des contraintes s'exerçant sur le plan syntagmatique.

Les distributionnalistes s'attachent à mettre en évidence les relations que les différents éléments de la langue entretiennent les uns avec les autres. On peut alors, par des techniques de segmentation, isoler des unités pour définir leurs environnements dont la somme, pour chaque élément, aboutit à sa propre distribution. Chaque unité peut être ensuite regroupée en fonction de ses propriétés combinatoires et de leur distribution réciproque pour former des classes distributionnelles, ensembles d'unités qui peuvent se substituer les unes aux autres, et des classes de suites, ensembles d'unités ayant le même environnement. On constitue ainsi des classements ordonnés des espèces selon leurs propriétés syntagmatiques ou paradigmatiques, qu'on appelle encore des taxinomies.

En extrayant de la phrase les termes qui la constituent immédiatement, on arrive à des unités ultimes indivisibles en unités plus petites. Cette segmentation est fondée sur la substitution, sur le parallélisme avec d'autres constructions et sur le degré de nécessité des différentes parties d'une unité complexe. On en arrive ainsi à affirmer des propriétés générales de la phrase, suite d'un syntagme nominal et d'un syntagme verbal, eux-mêmes constitués respectivement d'un déterminant et d'un nom ou d'un verbe et d'un syntagme nominal.

Les techniques pédagogiques d'inspiration structurale, même si elles ont été utiles au niveau des microstructures, reflètent les points faibles du modèle linguistique sur lequel elles reposent: la langue, mesurée à sa seule dimension syntagmatique n'est plus qu'une chaîne linéaire constituée de récurrences de succession. Il devient impossible de décrire toutes les phrases d'une langue, d'appréhender les dépendances qui existent entre les catégories non contiguës (accords, concordances), on ne sait rien sur les rapports entre les sons et les sens.

L'analyse en constituants immédiats est plus proche du fonctionnement de la langue dans l'acte de communication et présente une plus grande capacité de généralisation. La lecture à deux dimensions, la chaîne et le "pattern", facilite la découverte des oppositions et des similarités. En cumulant la pratique des structures et des règles qui permettent d'organiser et de généraliser les connaissances grammaticales, ce modèle peut offrir des solutions intéressantes.

Mais c'est en posant comme principe fondamental l'immanence du texte de la langue que le structuralisme distributionnel rend impossible l'établissement d'une relation terme à terme entre les unités appartenant à deux langues différentes. Ce caractère, absolu selon le structuralisme d'origine américaine, s'oppose à l'analyse contrastive. Les réflexions sur les différences structurales ne peuvent en effet pas éclairer l'acquisition d'une langue étrangère158. En même temps, ce modèle descriptif rend possibles des analyses rigoureuses des structures superficielles, avec des applications pédagogiques utiles dans le domaine de la prévention des erreurs et dans celui de leur correction.

Notes
157.

Voir MARTINET, André (1973), "Pour une linguistique des langues", in: Foundations of Language, 13, pages 339 à 364.

158.

DI PIETRO, R.J. (1968), "Contrastive Analysis and the Notion of Deep and Surface Grammar", in: ALATIS, J.E. (éd.), Monograph Series of Language and Linguistics, 21, page 66.