4.1. Convergences et divergences

L'analyse contrastive pose en principe que le bilingue débutant part d'un texte constitué dans sa langue qu'il essaie de transférer dans la langue cible, le plus fidèlement possible. Cette hypothèse est d'ailleurs vérifiée par les erreurs interférentielles attestées dans les réalisations discursives des bilingues débutants163. La présence d'un texte de départ est un point commun entre l'analyse contrastive et la théorie de la traduction, même s'il ne s'agit pas de la même nature de texte, ni de la même situation de communication.

Le bilingue débutant, tout comme le traducteur interprète, opère un transfert d'unités constitutives de L1 vers L2, mais la liberté du second dans l'interprétation du texte de départ est beaucoup plus restreinte que celle du premier. Le texte est imposé de l'extérieur dans un cas, dans l'autre, il vient de l'intérieur. De plus, les productions du bilingue débutant sont - tout au moins en situation d'apprentissage - sous le contrôle d'un "correcteur" immédiat, alors que celles du traducteur attendent les critiques du lecteur-auditeur.

Mais il est remarquable que les buts recherchés par l'analyse contrastive et la théorie de la traduction sont différents à plusieurs égards.

D'abord, l'analyse contrastive s'attache à décrire les différences systématiques qui séparent les deux langues engagées dans le processus d'apprentissage. C'est pourquoi elle doit être fondée sur une analyse typologique permettant la formulation de règles de correspondance très précises qui sont incorporées à la grammaire de l'enseignant.

Ensuite, la théorie de la traduction doit établir des procédures par lesquelles on mesure ou l'on vérifie, outre la conformité d'un texte transféré avec le protocole de la langue cible, la conformité du texte transféré avec le texte de départ, de sorte qu'il n'y ait ni dégradation d'information ni changement de registre stylistique.

De plus, puisque l'analyse contrastive se propose de formuler des correspondances régulières et obligatoires entre les deux langues qui se confrontent dans l'apprentissage, elle retiendra surtout les contraintes qui agissent à l'intérieur de la langue cible.

Enfin, la théorie de la traduction doit prendre en considération non seulement les contraintes caractéristiques de L2, mais aussi les variantes de transfert exprimant les différentes lectures possibles du texte de départ, ainsi que des solutions préférentielles qui représentent des ressources stylistiques pour la langue cible.

Il n'en reste pas moins que bien des problèmes posés par la réorganisation linguistique nécessaire au transfert de L1 vers L2 sont communs à l'analyse contrastive et à la théorie de la traduction. L'analyse contrastive aura ainsi tout intérêt à utiliser les réflexions issues de la théorie de la traduction qui lui permettront de mieux cerner les difficultés du transcodage.

Notes
163.

Par exemple, le genre grammatical (et non référentiel) des noms de L1 est presque systématiquement transposé en L2: les germanophones diront *"la soleil", *"le lune", etc...