4.3. La mise en équation

Quand on procède à la mise en équation des unités linguistiques appartenant à deux langues différentes, des difficultés surgissent comme l'ambiguïté d'un mot de L1, l'organisation lexicale des deux langues en contact, les contraintes d'accord ou de concordance, ainsi que le cadre syntaxique dans lequel s'inscrivent les hétéronymes. C'est dans le domaine de l'organisation lexicale que se manifestent le plus souvent les divergences entre deux langues en contact d'apprentissage. Deux unités ayant un sens fondamental commun peuvent présenter une orientation différente ce qui se traduit par un choix du sujet différent et par des unités lexicales distinctes. Deux unités ayant un sens commun, une structuration différente mais une structure phonématique identique posent des problèmes de résolution de sens164. Enfin, les structures lexicales incorporantes comme le verbe "beurrer" en français n'ont pas toujours d'équivalent lexicaux dans d'autres langues si ce n'est par des circonlocutions.

Deux voies d'approche sont possibles dans la solution des problèmes posés par les équations d'hétéronymie: l'équivalence lexicale ou la délémitation de micro-zones sémantiques communes aux deux langues. L'équivalence lexicale est un problème propre au débutant qui n'a pas encore la capacité d'établir les distinctions que la langue cible réalise par des mots différents: il étend par des analogies abusives les ambiguïtés de la langue source. Si l'on admet que toute unité de sens de L1 peut être exprimée en L2, la délimitation de micro-zones sémantiques communes aux deux langues permet, en réorganisant des moyens qui dépassent le cadre du seul mot, de résoudre certains de ces problèmes d'hétéronymie.

La tâche qui revient au comparatiste est de découvrir les distinctions que chacune des deux langues réalise au moyen de segments différents (lexèmes) et celles qu'elles réalisent par des combinaisons de mots spécifiques (taxèmes). La base de la comparaison est en ce cas fournie par la somme des distinctions de contenu qui trouvent des expressions spécifiques dans les deux langues en présence. C'est pourquoi la délimitation, à l'intérieur d'une zone sémantique donnée, des ambiguïtés résolues par le contexte apparaît nécessaire165.

L'analyse rigoureuse des distinctions que deux langues réalisent sur le plan de l'expression et les moyens dont elles disposent pour rendre ces distinctions apparaissent ainsi nécessaires à la résolution des problèmes posés par l'hétéronymie. Toutefois, cette mise en équation dans le cas de l'élaboration de micro-zones sémantiques présente l'avantage d'être symétrique parce qu'elle concerne l'expression des articulations logiques et des concepts.

Notes
164.

Voir ici le verbe "louer" en français qui fut utilisé par Alphonse Allais louant un appartement à louer...

165.

Voir ici la négation en français: ne...pas, ne...ni, ne...ni...ni, etc...