5.1. Erreurs et interlangue

Une faute est tout d'abord définie comme un bruit qui empêche complètement ou partiellement la réception correcte du message. Mais le terme bruit peut être lié à une loi d'intentionnalité: les erreurs commises par un locuteur natif sont dans la plupart des cas des lapsus et beaucoup plus rarement des erreurs proprement dites comparables à celles d'un débutant166. Un bruit peut également être une perturbation du message due à l'ignorance des lois régissant le fonctionnement d'une langue ou à des types particuliers de pathologie (scolaire ou autres). Les productions des bilingues débutants oscillent quant à elles entre la phrase incohérente et la phrase douteuse.

L'introduction de la notion de grammaticalité pose comme limite inférieure la compréhension du message. Certaines phrases légèrement déviantes peuvent se révéler incompréhensibles alors que d'autres grammaticalement très déviantes demeurent compréhensibles. Le linguiste et l'enseignant ont ainsi pour tâche de mesurer le degré de grammaticalité des énoncés dans le respect de cette limite inférieure de compréhension du message.

Mais une faute est surtout un écart, une déviation par rapport à la norme. ‘"On désigne sous le terme d'erreur ces traits des énoncés de celui qui apprend une langue étrangère qui sont différents de ceux qui appartiennent au locuteur natif"167.’ La norme est donnée par l'ensemble des locuteurs appartenant à la communauté linguistique respective.

Les erreurs peuvent être des étapes nécessaires à l'individu qui apprend une langue étrangère parce qu'il doit émettre des hypothèses qui lui permettent, même s'il y a échec, de s'adapter aux nouvelles contraintes exigées par la communication dans la langue cible. Il en résulte qu'il ne faut pas rejeter les erreurs comme des "fautes" indésirables, mais les inclure dans le processus d'apprentissage comme une étape inévitable qui montre au contraire que l'individu est en apprentissage. Cette autre langue, différente à la fois de L1 et de L2 a été appelée "dialecte idiosyncrasique" par Corder168, ou "interlangue" par Selinker169. Nickel a quant à lui proposé le terme de "lapsologie" qui peut être descriptive, anticipative ou thérapeutique. La lapsologie se propose par conséquent de détecter les erreurs, de les prévenir et de les guérir170.

Notes
166.

Voir CORDER, S. Pit (1973), op. cit.

167.

CORDER, S. Pit (1973), op. cit., page 260.

168.

CORDER, S. Pit (1973), op. cit..

169.

SELINKER, L. (1972), "Interlanguage", in : International Revew of Applied Linguistics, 10, pages 209 à 231.

170.

NICKEL, G. (1973), "Aspekte der Fehleranalyse", in : PAKS-Arbeitsbericht, 7, Bielefeld, pages 157 à 165.