5.5. Les degrés de grammaticalité

Il existe dans la grammaticalité plusieurs degrés. L'acceptabilité, qui est un phénomène de performance, se présente dans les réalisations discursives comme un continuum.

Une phrase acceptable est une phrase qui est à la fois grammaticale et compréhensible qui pourrait être produite par un locuteur natif dans un contexte approprié et que les autres locuteurs natifs acceptent ou accepteraient comme appartenant à leur langue. On peut aussi dire que pour qu'une phrase soit acceptable dans ce sens, elle doit être conforme aux règles de formation et de transformation qui spécifient les combinaisons admises de classes de mots et de traits sémantiques.

La situation inédite dans laquelle se trouve à un moment donné le bilingue est résolue par celui-ci à l'aide d'opérations intériorisées de comparaison: il confronte la nouvelle situation aux situations antérieures qu'il considère comme similaires et qu'il a emmagasinées dans sa mémoire. Le résultat de ses décisions peut être un énoncé acceptable ou un énoncé inacceptable. Dans le premier cas, cet énoncé acceptable peut être une solution grammaticale et adéquate à la situation donnée, voire une solution grammaticale mais inadéquate au contexte, soit parce qu'elle trahit les intentions communicatives du bilingue, soit parce qu'elle n'est pas en conformité avec les normes socio-culturelles des natifs174. Si l'énoncé se révèle inacceptable, il peut s'agir d'un énoncé dû soit à une erreur de réemploi d'une structure insuffisamment consolidée, soit à l'insuffisance des données dont dispose le bilingue, soit enfin à la pression du système de la langue source.

En conclusion, on ne peut que constater que l'étude des erreurs est fructueuse pour le linguiste comme pour le pédagogue. De nombreuses implications didactiques se font jour grâce à cette étude, notamment l'élaboration d'un cadre qui aide à déterminer les caractéristiques du système approximatif des apprenants. Les grilles de classement des erreurs permettent à la fois d'apprécier les connaissances de la langue dont disposent les bilingues et de jeter les bases de réflexions prospectives sur l'enseignement des langues étrangères dans des contextes déterminés: c'est l'aire des erreurs prévisibles et les erreurs interférentielles qui y sont présentes qui intéressent les contrastivistes, car il y a, à la base des fautes prévisibles, une comparaison qui repose surtout sur les interférences entre les deux langues en contact dans un processus d'apprentissage.

Il incombe au linguiste de proposer des procédures spécifiques d'analyse et d'identification des énoncés déviants. Mais il appartient à l'enseignant d'adapter aux bilingues dont il est responsable des mesures qui puissent aider à utiliser positivement ces déviances dans le processus d'apprentissage.

Notes
174.

Voir le chrysanthème offert par un étudiant étranger à une amie française hospitalisée (contraste culturel avec erreur d'émission du bilingue et erreur de réception du natif).