7. L'analyse contrastive comme entrée et sortie d'une description linguistique.

L'atteinte des objectifs que l'analyse contrastive se propose est par conséquent liée à une collaboration étroite entre les professeurs de langue, seuls à connaître en détail les difficultés particulières ressenties par les apprenants, et les théoriciens de la langue qui fournissent les descriptions nécessaires à la comparaison.

Les progrès de l'analyse contrastive dépendent du double mouvement entre ces deux sources d'information: linguistes d'une part et praticiens de l'enseignement d'autre part.

On ne s'étonnera donc pas que l'analyse contrastive ne puisse être traitée pour elle-même et qu'on soit obligé de la considérer dans ses rapports avec les autres disciplines linguistiques et non linguistiques dont elle est tributaire. En ce sens, elle peut être conçue comme une entrée de description linguistique. Mais, en même temps, elle devra être considérée comme un système de données élaborées par une série d'opérations de comparaison et qui passent dans un autre système (sortie). Ces données sont incorporées dans une grammaire pédagogique.

Il est intéressant à ce titre de voir si cette analyse contrastive qui, à travers l'élaboration d'une grammaire pédagogique fondée davantage sur la recherche personnelle de la signification n'est pas un moyen de donner du sens à une activité purement pédagogique en développant chez l'individu cette recherche personnelle introspective sur ses propres fonctionnements mentaux autonomisants. Ne serait-ce pas là aussi l'un des objectifs de tout premier ordre poursuivi par l'enseignement des langues étrangères en situation scolaire ?

Pourquoi l'analyse contrastive n'a-t-elle en effet pas fait en France l'objet d'une étude et de réflexions plus détaillées ? Elle s'est heurtée à d'autres approches issues des réflexions des années soixante. La révolution chomskienne en linguistique a apporté des éléments que les linguistes ont dû intégrer à leurs réflexions épistémologiques et qui ont eu pour effet de repousser cette proposition dans un oubli dont les pratiques ne tenaient finalement que peu compte. Jean-Pierre Cuq se fait écho des critiques portées à l'intérêt prédictif de l'analyse contrastive, tout en reconnaissant qu'elle ‘"peut être considérée comme une activité de premier plan en didactique des langues. [...] Cette confrontation des systèmes n'a pas pour objet d'établir une typologie linguistique mais plutôt une typologie des processus d'apprentissage qui sont largement conditionnés par les systèmes linguistiques connus de l'apprenant."175

Il convient donc de revenir sur cet apprenant, sujet de son apprentissage et de le confronter non plus seulement à l'analyse contrastive, mais à la notion qui la fonde, celle de contrastivité. En quoi cette contrastivité est-elle inhérente au fonctionnement cognitif de l'homme ? En quoi son caractère anthropologique en fait-il un pont susceptible de dépasser la béance entre deux langues et deux cultures, de compenser la rupture qui sépare ces deux rives langagières et culturelles ?

Notes
175.

CUQ, Jean-Pierre (1996), Une Introduction à la didactique de la grammaire en français langue étrangère, Coll. "Didactique du français", Didier / Hatier, 128 pages, page 44.