1. Contrastivité et phonodidactique

Le domaine de la phonétique et de la phonologie s'accorde effectivement particulièrement bien avec des applications pédagogiques d'une étude contrastive pour plusieurs raisons.

D'abord, c'est, parmi les différents domaines linguistiques, celui qui, grâce à des méthodes modernes, a été décrit de la façon la plus détaillée depuis les débuts du structuralisme linguistique du fait de sa relative simplicité. C'est pourquoi, lors de la comparaison contrastive, l'on peut avoir recours à de très nombreux travaux, qui plus est très sérieux, dans la plupart des langues étrangères. Ces travaux sont autant d'exemples pour notre propos.

Ensuite, il est relativement aisé de représenter le processus contrastif dans un domaine aussi simple que la phonologie et de mettre en évidence son fonctionnement en tant que méthode de description et d'analyse.

Enfin, l'apprentissage des sons - malgré la simplicité de leur structure et leur nombre relativement faible - est souvent accompagné dans le cours de LE de difficultés qui ne sont pas bénignes. On peut certes se poser la question de savoir si une prononciation correcte est fondamentale pour un apprentissage efficace d'une LE parlée et écrite. Les erreurs de prononciation, justement à cause de la fréquence très élevée de leur apparition, sont également les erreurs les plus remarquées. Même du point de vue de la psychologie de l'apprentissage et de la physiologie de l'apprenant, les interférences dans ce domaine font partie, sous l'appellation commune d'"accent étranger", des erreurs les plus persistantes et, pour cette même raison, les plus difficiles à corriger par l'enseignant.

C'est pourquoi c'est aussi à partir de ce domaine de l'étude des sons que le processus et le principe de la comparaison contrastive sont les plus évidents et devraient par là même constituer le plus aisément la motivation essentielle pour une étude systématique de deux langues en présence et l'élaboration de pratiques pédagogiques adaptées.

C'est en effet surtout le pratiquant qui a besoin d'une telle motivation, afin qu'il n'y voie pas - comme on l'a vu dans les critiques formulées à l'égard de la contrastivité -, comme dans toute réflexion théorique, une sorte de voie détournée, voire, en étant trop critique vis-à-vis de cette réflexion, une voie sans issue pour les finalités d'application qu'il s'est fixées. Toutefois, même celui qui procède de manière critique dans son appropriation de la connaissance doit d'abord être profondément persuadé qu'on ne procède pas par raccourcis dans l'approche contrastive à cause de son côté pragmatique et que la contrastivité, malgré des tendances à l'éclectisme qu'il convient de ne pas passer sous silence, se révèle tout à fait capable d'apporter des angles d'attaque nouveaux et systématiques à la science des langues et à leur didactique.

L'avancée la plus importante parmi les procédés dus à la contrastivité - autant que l'on puisse parler de méthodes particulières qui divergeraient dans leur essence d'un usage linguistiquement reconnu - est l'analyse des contrastes. C'est la raison pour laquelle la littérature spécialisée anglophone traite toujours toute cette direction de "Contrastive Analysis".

La germanophonie utilise quant à elle le terme de "Kontrastive Linguistik", ou de "Kontrastivik", mais réduit la "Kontrastive Analyse" au domaine central, c'est-à-dire aux processus même de mise en évidence, voire de ses résultats. C'est ce sens que nous voulons ici donner au terme de contrastivité, en sachant qu'elle doit déboucher sur des applications pédagogiquement utilisables.