2.2. L'interrogation, exemple de comparaison dépassant la structure superficielle

Lado propose, comme exemple de résolution d'un seul et même processus sémantique dans quelques langues courantes, la formation des phrases interrogatives. Il relève ainsi trois procédés formels d'interrogation :

  1. un procédé syntaxique, c'est-à-dire un changement dans l'ordre des mots comme l'inversion (en anglais, en français et en allemand);

  2. un procédé lexical, qui utilise des mots fonctionnels comme to do en anglais, ou est-ce que en français ou des mots interrogatifs (pronoms ou conjonctions) comme wer, wie, ou was en allemand ;

  3. un procédé suprasegmental, comme une intonation différente, montante en allemand, en anglais, en espagnol ou en français.

Jusqu'alors, on pouvait déduire de ces procédés des lois universelles formelles ou sémantiques du genre "toutes les langues naturelles connues connaissent l'interrogation". Mais on peut également élaborer une typologie de l'interrogation et Lado en distingue trois types principaux :

  1. les langues qui expriment l'interrogation par l'intonation comme l'espagnol Es un campesino ? ;

  2. les langues qui disposent de moyens syntaxiques comme l'inversion et qui donc ajoutent à l'intonation un moyen supplémentaire pour assurer en quelque sorte la valeur communicative de la question ; tel est le cas par exemple de l'allemand Ist er (ein) Bauer ? et de l'anglais Is he a farmer ? ;

  3. enfin les langues qui, par un processus très redondant qui consiste à utiliser des mots fonctionnels dénués de sens propre, vont en quelque sorte formellement verrouiller l'interrogation comme l'anglais Does he like swimming ?

Pour nos préoccupations pédagogiques, excepté la réduction de ces processus comparatifs à simplement deux langues dans un rapport L1~L2, c'est ce troisième type de langues qui nous paraît significatif, car cette possibilité combinatoire constitue un premier inventaire de moyens langagiers formels reconnaissables comme différents. On retrouve ainsi diverses constellations univoques :

Mais des exemples comme Are you ready ? ou Bist du fertig ? montrent qu'une comparaison formelle de descriptions systématiques de domaines sémantiquement équivalents ne suffisent pas. Il est nécessaire d'inclure dans l'analyse les différences distributionnelles de ces moyens langagiers. Ce sont elles qui vont permettre de véritablement caractériser l'anglais ou le français qui recourent, dans certaines combinaisons, à des mots fonctionnels, tout en utilisant dans d'autres combinaisons, par exemple après les verbes auxiliaires, un autre moyen qu'est l'inversion.

Seule la distribution est capable de rendre compte de ces phénomènes si significatifs du point de vue didactique, qu'ils soient tantôt des contrastes tantôt des équivalences totales en ce qui concerne l'allemand et le français.