3.1. Problèmes de définitions : le mot et le lexème

D'abord, le lexique est à la fois fini et infini. Il est théoriquement fini dans la mesure où l'on peut synchroniquement embrasser l'ensemble des mots d'une langue, même si cela reste une tâche extrêmement ardue et encore loin d'être achevée263. Mais il demeure pratiquement infini dans la mesure où chaque nouveauté se doit d'être nommée pour exister, ce qui fait que la science crée chaque jour de nouveaux concepts et en appelle à de nouvelles nominations. On ne peut donc faire la liste de tous les mots d'une langue vivante, même si l'on recourait à l'aide des plus puissants ordinateurs.

Ensuite, le lexique est soumis à une ouverture et à un manque de systématicité tels qu'il offre le flanc à de nombreux mots que la philologie définit encore de mots étrangers ou d'emprunts qui, notamment en France, sont montrés du doigt et régulièrement combattus par les protecteurs de la langue française264. Le lexique forme donc une sorte de bouillon de culture favorisant considérablement plus les interférences que les domaines étudiés plus haut.

C'est la raison pour laquelle on préfère, dans des matériels pédagogiques s'adressant à un public linguistiquement homogène, établir une progression lexicale mettant en jeu des lexèmes appartenant communément aux deux langues en présence. L'exploitation de ces lexèmes commun a fait l'objet d'études de types anthropologique et philosophique qui ont débouché sur ce qu'il est maintenant convenu d'appeler le déterminisme linguistique ou la théorie de la relativité linguistique traitées notamment par Whorf265 et Gipper266.

Notes
263.

Cf. par exemple l'extraordinaire travail opéré par l'équipe à l'origine du Trésor de la Langue française, dont la parution s'est déroulée sur plus de dix ans.

264.

Cf. par exemple la "Loi Toubon" sur la protection de la langue française, relayée par les Quarante Immortels du Quai Conti.

265.

WHORF, B. L. (1956), Language, Thought and Reality : Selected Writings, New York, Wiley.

266.

GIPPER, H. (1972), Gibt es ein sprachliches Relativitätsprinzip ? Untersuchungen zur Sapir/Whorf-Hypothese, Frankfurt am Main.