3.5. L'analyse de contrastes intralinguistiques : vers une traduction stylistiquement adaptée

Il est nécessaire de travailler en outre sur les contrastes intralinguistiques pour ce qui est de l'enseignement du lexique, car on ne peut faire d'impasse sur la présence de dialectes ou de sociolectes dans la langue de départ qui font souvent qu'un lexème change de valeur sémantique à l'intérieur d'une même langue selon les utilisateurs de ce lexème.

Le lexique est soumis dans toute langue à des différenciations qui peuvent être très importantes selon les origines géographiques ou sociales de l'utilisateur. Il apparaît donc indispensable d'établir un état préliminaire du lexique de L1 qui permette ensuite, dans le domaine de la traduction par exemple, de définir plus précisément les niveaux stylistiques dans lesquels ce lexique est utilisé, afin de transposer également ce style dans la L2.

L'objectif de l'apprentissage d'une L2 doit bien sûr être une version idiomatique synchronique de cette langue. Il ne saurait plus être question, comme ça a été le cas autrefois, de fonder cette langue cible sur son emploi exclusivement littéraire. Il n'en reste pas moins que la langue d'apprentissage ne peut consister, en milieu scolaire par exemple, en la seule langue des banlieues, sous peine de ghettoïsation plus forte de ce nouvel idiome. Il est donc nécessaire, avant d'opérer la distinction contrastive entre langue de départ et langue cible, de définir très exactement les contenus stylistiques de L1.

Pour ce qui est du lexique de l'allemand pris comme L1, il est nécessaire par exemple de prendre en considération l'extraordinaire richesse régionale. Il existe en effet en Allemagne une telle diversité lexicale entre la langue standard du nord et la langue standard du sud qu'on ne peut passer outre cette particularité sans avoir auparavant défini quelles en sont les conséquences pour l'apprentissage d'une L2.

Il en est ainsi par exemple du mot "Bub" dans le sud qui correspond au mot "Junge" dans le nord. L'apprenant germanophone du sud qui consulte son dictionnaire bilingue afin de trouver l'équivalent français de ce mot considérera que les mots français "coquin" ou "fripon" sont tout à fait adaptés pour rendre compte de la valeur sémantique de ce mot. Faut-il pour autant incriminer les lexicologues éditeurs de dictionnaires qui se contentent de faire état d'une langue standard à dominante littéraire ?

Les variantes intralinguistiques de la langue cible sont de plus en plus importées dans l'enseignement des langues étrangères à travers les échanges organisés ou les voyages à l'étranger ou encore au moyen des nouvelles technologies (multimédia, par exemple). Les matériels pédagogiques sont cependant encore loin d'en faire clairement état, parce que les auteurs, pour des raisons éditoriales, sont souvent obligés de faire des choix arbitraires qui ne tiennent pas suffisamment compte de la réalité de la langue dans son usage.