5.1. Une définition de la culture ou de la civilisation

La polysémie du mot "culture" n'est pas sans intérêt pour notre propos280. S'il a depuis les origines conservé le sens d'"habiter" et de "cultiver" une terre, il est en effet fortement apparenté au mot "culte", "action de cultiver, de soigner", qui est passé en français en ne conservant que le sens d'"hommage rendu à Dieu ou à un saint". A partir de ce sens, le mot "culte" a étendu sa signification pour prendre celle au figuré de "vénération, admiration" (le "culte de la personnalité") et son emploi récent en apposition avec valeur adjectivale ("un film culte") montre non seulement la vénération que l'on porte à quelque chose ou à quelqu'un, mais aussi une sorte d'adhésion aux thèses que cette chose représente ou que cette personne défend.

Le mot "culture", quant à lui, adopte, à la fin du XVIIIe siècle, le sens que Kant confère à la Kultur, celui de "civilisation envisagée dans ses caractères intellectuels", laissant au mot "civilisation" son sens d'"action de civiliser".

Ce n'est qu'au XXe siècle, sous l'influence des recherches ethnologiques et anthropologiques que le mot "culture" devient l'‘"ensemble des formes acquises de comportement dans les sociétés humaines"’. La culture s'oppose donc à la nature puisque elle ne concerne que les formes de comportement acquises, et les individus isolés qui ont acquis les mêmes formes de comportement sont dépositaires d'une culture commune grâce à laquelle ils se sont regroupés dans des sociétés humaines.

Le corollaire de cet aspect consiste dans l'adéquation entre l'environnement dans lequel on vient au monde et la culture qu'a développée cet environnement au fil des mois pour une personne, des années pour une famille, des siècles pour une société, de son existence. Notre culture particulière issue de notre environnement immédiat constitue ainsi une partie de cette culture locale, régionale, nationale, continentale, voire universelle propre à toute personne. Une culture ne peut être individuelle, car elle repose en définitive sur une imprégnation constante des faits culturels de son environnement ; elle est toutefois personnelle grâce aux agencements particuliers de ces faits qui ne peuvent être identiques d'une personne à l'autre.

Chacune de ces sociétés humaines dispose ainsi d'une propre culture et est donc différente d'une autre dans la mesure où les formes acquises de comportement peuvent varier d'un climat à l'autre, d'une région à l'autre, d'une vallée à l'autre, d'un village à l'autre, d'une maison à l'autre. Ces différences pourraient également faire l'objet d'une analyse contrastive dans laquelle on retrouverait également, pour chaque comportement analysable, les degrés de comparaison que l'on a désormais pris l'habitude de manipuler, et qui s'étendent de l'identité la plus parfaite à la dissemblance la plus profonde.

Notes
280.

Cette analyse sémantique doit beaucoup à REY, Alain et al. (1992), Dictionnaire historique de la langue française, Dictionnaires le Robert, Paris.