I - 1 : Mobilité contrainte et mobilité choisie via les activités

L’homme inscrit son existence dans ses pratiques spatiales : ses occupations multiples l’amènent à se déplacer dans la ville et l’étude de ses déplacements reflète ainsi bien plus qu’un simple schéma d’activités : elles sont à l’image de ses goûts, de ses loisirs éventuels, de son activité professionnelle... et illustrent des aspects de son mode de vie. La vie quotidienne s'organise principalement autour de quatre sphères : celles du travail, de l'engagement associatif et politique, de la vie domestique et du temps libre. Les individus passent de l'une à l'autre au cours de la journée en fonction à la fois de leurs propres préoccupations (la mobilité est alors choisie) et des contraintes qui leur sont imposées (Kaufmann, 1999).

Ainsi, la mobilité quotidienne reflète en partie les choix individuels, car les individus ne subissent pas passivement un espace urbain donné. La ville est un lieu de création lié à sa consommation où les citadins vont développer des stratégies particulières, allant à l’encontre ou non des normes sociales. Les pratiques ne s’ajustent donc pas complètement aux structures (De Certeau, 1980), elles reflètent réellement des stratégies d’acteurs. Appartenir à une association, se distraire, rendre visite à des amis ne répondent uniquement pas à des normes imposées par exemple.

Mais la mobilité permet également d’identifier certaines contraintes auxquelles sont soumis les citadins. Ce peuvent être des contraintes économiques, qui les empêchent d’emprunter des modes de transport coûteux, de fréquenter des quartiers éloignés ; elles sont également sociales dans le sens où, notamment en Afrique, rendre des visites, participer à des événements familiaux relèvent de normes culturelles. Elles sont également d’ordre domestique ou familial (Coutras, 1993). Car la sphère de la vie domestique renvoie à des nécessités de fonctionnement du ménage, obligeant l'individu à sortir de son logement pour effectuer des achats ou des démarches administratives par exemple (Kaufmann, 1999). Les déplacements motivés par le travail en sont un autre exemple puisque, généralement, en termes de lieux et d'horaires les citadins n'ont guère le choix.

La notion de mobilité dépasse donc largement celle d'une simple étude sur les déplacements, car sont directement mises en cause les raisons et les conséquences des sorties du domicile, inséparables du déplacement en lui-même (Montulet, 1996). Elle est un révélateur du mode d’insertion de l’individu dans la ville, à tel point que pour des villes occidentales on peut voir écrit que ‘“ la mobilité est un moyen qui permet de profiter au mieux des bienfaits de la ville, devenant ainsi une des conditions fondamentales de l’insertion sociale des personnes, et donc un critère de discrimination sociale, voire d’exclusion ”’ (Coutras, 1993, p. 162). Cette prise de position attribue à la mobilité une valeur en soi qui ne nous paraît relativement pas applicable au contexte africain dans lequel ne pas se déplacer ne signifie pas n’avoir aucune vie sociale, ni ne pas travailler, les visites à domicile des personnes âgées et le petit commerce sur le pas de la porte rendent invisibles des activités pourtant nombreuses et un réseau de sociabilité potentiellement dense. La mobilité sera donc ici le reflet de modes de vie et d’insertions sociales différenciées. Si l’on peut apercevoir des indices d’isolement ou d’exclusion sociale, ce n’est en tout cas pas la mobilité qui en sera le seul indicateur. Cependant, la mobilité reste, pour les citadins, une ‘“ [...] expression de leur volonté de trouver spatialement leurs marques, s’insérer, vivre à leur sens leur citadinité ”’ (Kane, 1999, p. 42).