I - 2  : Mobilité contrainte et mobilité choisie via les lieux

Une approche spatiale de la mobilité permet, au-delà des activités, de mettre en évidence le rôle de la localisation des déplacements : les sphères décrites ci-dessus correspondent également à des espaces de fréquentation. En effet, se déplacer permet, dans un premier temps, de relier des lieux (Rémy, 1996). Ces derniers ont une histoire qui les structure : leur agencement est une contrainte forte pour l'individu qui s'adapte plus ou moins à cet environnement, à ce système urbain prédéfini dont les origines se trouvent dans les logiques politiques, sociales ou économiques. C'est dans ce cadre que l'on peut parler de "rigidité des espaces", notamment fonctionnels. Il s'agit par exemple de la morphologie spatiale (Juan, 1997). On retrouve ici en partie les éléments physiques décrits par Lynch, comme les voies, les carrefours, les immeubles, les enseignes... Il s'agit également de centres d'affaires, de lieux spécifiques de loisirs, marchés, bref, ce que Hall (1985) appelait l'espace "à caractère fixe". Le contexte physique dans lequel évolue le citadin est constitué du paysage urbain qui joue donc un rôle essentiel dans les déplacements.

Mais la localisation des activités reflète également les préférences individuelles. Si cela est techniquement possible pour le citadin, les lieux sont potentiellement distants entre eux. Au contraire, il peut être plus ou moins contraint de re-positionner ses activités s'il ne peut assumer la charge d'un trajet obligé en mode mécanisé. Cette relative liberté d’action s’exprime notamment dans les activités non contraintes comme les loisirs ou les achats. Choisir entre tel ou tel lieu ne renvoie pas uniquement à des contraintes, ce peut être la marque d’une volonté délibérée. De fait, la plus ou moins grande ségrégation ou proximité des lieux fréquentés, leur agencement respectif en fonction des activités pratiquées sont donc des indices de reconnaissance différenciée de l'espace, issue à la fois de contraintes et de choix (Rémy, 1996).

En conséquence, se déplacer en ville relève d’un compromis entre espaces imposés et espaces choisis. La mise en évidence d’une telle complexité par l’étude de la mobilité quotidienne a fait l’objet de plusieurs approches, dont nous décrivons les principales dans le paragraphe suivant.