Les référents sociaux

Les référents sociaux dépendent en grande partie de l’environnement culturel de l’individu. Apprendre des règles, des normes se fait dès le plus jeune âge et les répercussions sur les comportements et les représentations sont claires. Les lieux de l’enfance et de la jeunesse sont donc particulièrement importants, ce qui est d’ailleurs reconnu depuis Ledrut (Voyé, 1989). Globalement, à partir d’une culture et d’une expérience commune, les individus adoptent inconsciemment des critères similaires pour traiter et réaliser leurs représentations spatiales, notamment en classant leurs perceptions selon des catégories générales, en fonction de leur activité, de leur forme, de leur fonction ou de leur localisation, auxquels s’ajoutent fréquemment des critères d’évaluation et de connotation critique (Gihring, 1975). ‘“ L’Image de la ville est un “produit” culturel ” ’(Ledrut, 1973, p. 24). Un exemple de ce genre d’influence est le système d’orientation chez les Maures de Mauritanie (Frerot, 1996). Dans certaines régions du pays, les repères cardinaux sont des secteurs identifiés par la forme particulière du relief. Mais ce n’est pas le cas pour tout le pays où d’autres ethnies adoptent d’autres systèmes de référence. Le système d’orientation ne serait donc pas fixe et universel mais intérieur au groupe, quand ce n’est pas au sujet. De même, alors que dans les sociétés industrielles, l’espace est objectivé et standardisé sous une forme continue de “ parcours-temps ”, dans les sociétés tropicales pré-industrielles, l’espace et le temps sont liés de manière spasmodique : après une longue période de stabilité les rythmes sont brutalement cassés (Gallais, 1976). L’une des raisons de cette différence semble être les échelles de cloisonnement social (village, lignage, tribu par exemple) qui hiérarchisent les échanges. Les distances sont également appréciées à travers ce prisme et sont raccourcies ou agrandies par rapport à une distance objective. Cet auteur note aussi que dans un espace tropical l’affectivité est plus importante que dans le nôtre. En résumé, l’espace vécu et représenté dépend fortement du cadre culturel dans lequel évolue l’individu.

Les comportements de mobilité ont, eux aussi, un fort ancrage culturel, puisqu’ils dépendent de normes sociales intériorisées (Haumont, 1980). Car se déplacer n’est pas totalement l’aboutissement d’un libre choix de la part de l’individu : il obéit à des contraintes culturelles qui lui prescrivent ou proscrivent certaines activités. Ces normes sont intériorisées et font référence au contexte social dans lequel les individus doivent accomplir des actes sociaux (Andan et alii, 1988). Par exemple, selon l’apprentissage par l’école et par la famille, des règles relatives aux loisirs devant être pratiqués selon l’âge ou le genre sont assimilées inconsciemment. Elles dépendent des rôles que la société attribue aux groupes socio-démographiques tels que la famille (Haumont, 1980). Cette action directe des lieux d’origine s’accompagne d’une action “ indirecte ” puisque l’origine sociale conditionne des choix relatifs aux professions exercées, aux lieux habités, aux personnes fréquentées... C’est ainsi que, au sujet de Ouagadougou et Bamako, ‘“ les différences entre citadins et ruraux ne peuvent être imputées uniquement à un effet de revenu et s’appuient aussi sur des différences d’insertion en milieu urbain ” ’(Diaz Olvera et alii, [1], 1998).

Ces référents sont liés à l’histoire de l’individu et au milieu social et culturel dans lequel il a été élevé notamment, qui sont eux mêmes en relation avec son origine spatiale. Ainsi, certaines études (voir par exemple Di Meo, Anglade, 1996) distinguent les individus originaires d’une région et les autres, le lieu de naissance conditionnant des exigences spatiales différenciées. Mais ils ne suffisent pas à décrire les relations du citadin avec l’espace urbain, sa connaissance des lieux va elle aussi contribuer à leur construction.