Les parcours migratoires en question

Les facteurs dont dépend la notion de “ migration ” sont nombreux : espace géographique, durée de séjour, motivations, caractéristiques des différents migrants par exemple. Cette complexité oblige à opter pour certains d’entre eux quand on veut établir soit une définition, soit une typologie des différents types de migrations. Nous avons choisi, quant à nous, dans un premier temps, de nous baser à la fois sur l’espace et sur les délais de séjour, ce qui nous a permis de mettre l’accent sur l’importance des modèles culturels dans les phénomènes de représentations et de pratiques spatiales.

Le terme “ migration ” désigne usuellement un déplacement d’une personne qui quitte son lieu de résidence habituel pour s’établir dans un autre, volontairement ou non, de façon temporaire ou permanente. Ainsi, le Population Reference Bureau 6 assimile en 1980 une migration à ‘“ un mouvement de personnes traversant une certaine limite afin d’établir ailleurs une nouvelle résidence permanente ”’ (Domenach, Picouet, 1987). Cette notion fait exclusivement référence au concept d’unique lieu de résidence, ce qui est dommageable en Afrique de l’Ouest où les cas de double, voire de triple résidence ne sont pas rares. C’est alors l’ensemble de ces lieux qui constitue un pôle d’origine pour les individus se déplaçant.

Dans ce travail, la “ certaine limite ” définie sera constituée en fait par le logement que l’enquêté affirme être sa résidence principale. Nous répertorions ensuite chronologiquement l’ensemble des lieux habités, quel que soit l’endroit, hors de cette habitation actuelle. Mais se pose aussi le problème de la durée. Nous avons choisi de ne pas prendre en compte les visites et séjours de courte durée, car notre problématique se base sur l’hypothèse d’utilisation de référents sociaux et spatiaux qui ne peuvent être modifiés sur quelques jours ou quelques mois. Nous n’appelons donc migrations que les déplacements ayant pour destination des séjours d’une durée minimale de six mois. Cette durée est le délai minimum nécessaire à partir duquel le migrant peut commencer à s’imprégner de son nouveau milieu, ainsi que le montrent plusieurs études. Par exemple, Dekkers et Tarrius (1988) indiquent qu’après une première période de résidence de 3 à 6 mois (appelée “ période de reconnaissance ”), les modes de transport empruntés changent, les pratiques de déplacement se stabilisent. De même, Traoré et alii (1995) ne retiennent dans leur enquête sur les cheminements migratoires à Bamako que les lieux dans lesquels les individus avaient séjourné pendant plus de six mois, les migrations de durée inférieure, considérées comme de courte durée, n’étant pas prises en compte dans leur analyse. Enfin, parmi les critères d’identification d’une migration, Poulain et alii (1991) notent ‘: “ une durée d’absence ou une intention d’absence ou de présence (dans le nouveau lieu de résidence) d’au moins six mois ”’ (Poulain et alii, 1991, p. 25). Ce seuil a par ailleurs aussi été utilisé pour les recueils des parcours migratoires par Dureau (1991) dans son enquête à Quito (Equateur).

Ainsi, ont été répertoriés, pour chaque individu, tous les lieux habités pendant plus de six mois, le type de logement occupé, le statut d’occupation, la durée de résidence et la raison du déménagement. Ce recueil a été effectué à la fois pour les entretiens et pour les individus de l’enquête-ménages, même si, comme nous allons maintenant le présenter, les deux échantillons de populations ont été ciblés différemment.

Notes
6.

Organisme américain privé dont l’objectif est de fournir des données “ objectives ” sur la population américaine et internationale.