Trois unités spatiales d’étude

La ville constitue en elle-même notre premier objet d’étude. L’existence de cette entité est couramment admise, en tant que réalité et en tant qu’“image” (Frémont, 1982). D’ailleurs de nombreux sociologues et géographes utilisent le terme “ objet - ville ”, comme par exemple, Capel (1975) ou Pétonnet (1987). Cette ville est composée de quartiers, tels que les a définis Lynch (1976) (nous en avons rappelé la définition précédemment). Leur existence est autant justifiée par l’histoire même des villes (comme, par exemple, la création de découpages officiels) que par leur utilisation en tant que référents identitaires (Saunier, 1994). Entre ‘“ territoire figé ”’ et ‘“ espace mental ”’ (Di Meo, 1993), les quartiers font intégralement partie du paysage urbain. Nous en avons identifié deux spécifiques : le centre-ville et le quartier d’habitation.

La question du centre-ville est délicate puisqu’elle pose le problème à la fois de son existence et, dans ce cas, de son unicité éventuelle. Le centre-ville est à la fois un noyau originel et fonctionnel. Il constitue, par définition, le coeur de la ville, un lieu de rassemblement, de brassage et de pouvoir, un lieu de loisirs ou des démarches administratives (Reynaud, 1992). Il désigne ainsi un lieu de concentration de la plupart des fonctions urbaines : “ activités politiques et administratives (spécialement dans les capitales), activités bancaires, activités de gestion commerciale, agences de voyage et équipement de grand tourisme, centre culturel, commerce de détail des produits et objets de luxe, services “ rares ” (professions libérales, cabinets d’affaires et de consultation juridique, cabinets médicaux de spécialistes, etc.) ” (George, Verger, 1993). Ses qualités en font alors un pôle évident de déplacements. Si la multiplicité de ses fonctions laisserait envisager un espace neutre, en fait, il “ fait naître quantité de sentiments ” (Nkaya, 1990, p. 403). Cependant la croissance des villes industrialisées et des métropoles du Tiers-Monde remet en question non seulement la pertinence de cette notion mais aussi sa définition même (George, Verger, 1993). En effet, l’engorgement des centres-ville et l’éloignement des populations de plus en plus loin d’un noyau central, rendent difficiles et longs les allers-retours vers le centre et impliquent parfois un déplacement définitif des activités centrales vers les périphéries : c’est le phénomène d’exurbanisation, provoquant soit une disparition du centre, soit la création de plusieurs centres périphériques (Bordeuil, 1994). Dans le premier cas, les activités peuvent se déployer selon des logiques fonctionnelles ou géographiques par exemple (Bordeuil, 1994). C’est notamment le cas pour certaines villes américaines mais cela n’a pas été observé dans les villes africaines (Chalas, 1997). Dans le second cas, les nouveaux centres ne sont plus aussi multifonctionnels mais peuvent être formés par un centre commercial ou une gare par exemple. Leur point commun est alors de rassembler le maximum d’individus sans discrimination, favorisant ainsi la mixité sociale (Chalas, 1997). Dans une ville africaine à la croissance explosive, abritant en conséquence des populations aux comportements très variés, on peut donc se poser la question de la réalité et de la définition d’un centre-ville. Si à Niamey il existe véritablement un pôle commercial et administratif, l’étendue de la ville en fait également un lieu lointain et parfois peu accessible. De plus, certains services sont déconcentrés et les marchés dans les quartiers ne sont pas rares. De fait, dans quelle mesure ce centre-ville est-il unique, peut-il jouer le rôle qu’on attendrait de lui, pour qui et pourquoi ?

Le quartier d’habitation, quant à lui, entre domicile et espace urbain, est un ‘“ espace de contact ”’ entre l’individu et la ville, entre le citadin et la société (Frémont, 1982, p. 13). Dans ce cadre, loin de n’être pas porteur de sens, il est chargé affectivement et socialement de connotations particulières, dépassant sa simple éventuelle fonctionnalité. L’exemple du quartier - village donné précédemment illustre bien toute la subjectivité que peut entouré cet espace. Mais l’intérêt du concept est lui-même remis en cause par la généralisation des modes de transports rapides, rendant accessibles d’autres lieux et d’autres activités et modifiant la notion de voisinage (Chalas, 1997). La notion de quartier d’habitation ne pose pas de problème à Niamey. Ainsi, dans une étude sur la ville, Nkaya (1990) indique que près de 90 % des chefs de famille savent son nom. Comme dans toute ville, ses limites en sont peu connues et dépendent des pratiques de l’individu. Ainsi la question des représentations et des pratiques de cet espace est donc ici particulièrement intéressante.

L’analyse des représentations qui sont attachées à la ville et à ses espaces singuliers, le centre-ville et le quartier d’habitation, permettra en définitive de mettre en évidence des images de la ville.