II - 3 : La mobilité urbaine au quotidien

Les pratiques spatiales, ainsi que nous l’avions indiqué, sont étudiées sous l’angle de la mobilité urbaine quotidienne. Ces renseignements ont été recueillis dans l’enquête-ménages. Il a été demandé à cet effet à chaque individu la liste chronologique de tous ses déplacements hors du domicile (même à pied et quelle que soit la distance parcourue) la veille du jour de l’enquête ainsi que leurs caractéristiques en termes de lieux géographiques, heures d’arrivée et de départ, motifs et modes. Ces données permettent de connaître des espaces fréquentés, la raison et le lieu des déplacements et, en définitive, des pratiques urbaines différenciées.

Choisir d’étudier la mobilité à partir des données relevées sur une seule journée pose plusieurs problèmes. Tout d’abord, nous admettons qu’en Afrique comme ailleurs, il n’existe pas réellement de journée - type, reflétant les habitudes quotidiennes de chaque citadin. Les rythmes de vie ne s’organisent pas de façon répétitive et régulière si l’on sort du strict point de vue de la mobilité professionnelle (Dekkers, Tarrius, 1988). Cependant, si on agrège les résultats, il apparaît qu’en fonction de critères individuels et sociaux, les modes utilisés, le rythme des déplacements pour les loisirs ou les visites entre autres ne sont pas totalement aléatoires. Si l’échantillon est assez grand, nous pouvons identifier des constantes dans les caractéristiques de la mobilité urbaine (voir, en référence sur Bamako et Ouagadougou, Diaz et alii [1], 1998). Ensuite, nous prenons le risque de voir apparaître des activités exceptionnelles ou même des journées organisées de façon complètement inhabituelles pour l’individu. Mais le nombre d’individus enquêtés permet statistiquement de pallier ces difficultés en diminuant les chances d’apparition de phénomènes trop rares (Bonnafous et alii, 1981). Une autre solution aurait pu être d’étendre l’enquête au relevé des déplacements sur plusieurs jours consécutifs mais cette méthode est généralement auto-administrée, ce qui s’avère impossible en Afrique où le taux d’alphabétisation est trop faible. Dans le cas contraire, l’envoi quotidien d’une enquêteur dans chaque ménage est très contraignant pour les enquêtés, notamment ceux dont les absences sont relativement fréquentes (Bonnafous et alii, 1981).

Un autre choix a dû être fait quant à la partie de la semaine étudiée. En effet, les mobilités en jours ouvrables et en fin de semaine sont relativement différentes. Tout d’abord, en week-end, les déplacements professionnels sont plus rares et en tout cas ne concernent plus les salariés. En conséquence, les individus se déplacent proportionnellement plus en heures creuses en fin de semaine. Ensuite, le nombre de citadins ne s’étant pas déplacés augmente pendant le week-end. D’autres exemples pourraient être trouvés qui inclinent à différencier la mobilité de semaine et de week-end. Nous avons donc choisi de ne présenter que la mobilité des jours ouvrables (du lundi au vendredi sauf jours fériés). Le problème des effectifs nous a aussi incité à faire ce choix : étant donnée la durée de l’enquête (une quinzaine de jours), sur les 1 360 individus composant l’échantillon, seuls 342 avaient été enquêtés pour leurs déplacements un jour de week-end, posant de fait le problème de la représentativité des groupes sociaux étudiés.

En conclusion, une mise en garde s’impose quant à la qualité de l'information recueillie. Malgré la bonne volonté des enquêteurs et la rigueur dans le traitement des informations recueillies, les représentations spatiales restent des notions relativement difficiles à “ mesurer ”. D’autres interlocuteurs, un homme, un Africain, auraient sans doute obtenu d’autres données dans les entretiens. En ce qui concerne l’enquête-ménages, certaines questions ont pu être réinterprétées ou recodées par les enquêteurs, mal comprises par les enquêtés. Le passage par une traduction en plusieurs langues inconnues de nous-mêmes (le djerma et le haoussa) rend difficile les contrôles quant à la pertinence des questions et de leur forme. Les réponses aux questions ouvertes ont pu être abrégées par un enquêteur fatigué... Nous avons pu commettre à notre tour des erreurs dans les interprétations ou dans les codages. Cependant, ces biais ont été en partie évités par la comparaison des résultats des entretiens avec l’enquête-ménages. Leur correspondance relative nous permet de penser que, loin d’être constitués de simples monographies, les entretiens ont été l’occasion de confirmer la possibilité d’effectuer des analyses agrégées sur des données particulièrement sensibles aux conditions de recueil. Avant de présenter les analyses, nous situons le contexte de l’étude et détaillons les populations étudiées dans le chapitre suivant.