Lorsque les aînés contrôlent la terre et les femmes, comme chez les Mossi (Blion, 1992), il en résulte une période d’attente pour les jeunes qui choisissent alors de migrer avant de revenir reprendre leur place dans la hiérarchie traditionnelle. Le départ peut être aussi une rupture sociale de l’individu avec le groupe à cause d’une dégradation collective de la solidarité ou d’une faute contre la coutume (Roussel, 1967). Corrélativement, le goût de l’aventure est une des composantes des motivations des départs. Ainsi au Niger, le jeune migrant était considéré comme quelqu’un qui a fait ses preuves, ce qui ajoutait à sa séduction (Barou, 1978). Dans ce cas, les destinations sont inconnues avant le départ et la migration sert à satisfaire une curiosité pour “ un autre monde ” (Bikatt Bimaï, 1992). Ce goût de l’aventure est perpétué par les récits des anciens et de ceux qui sont revenus, rapportant avec eux des objets modernes et des images très positives de leur séjour. Dans ce cadre, la migration peut également constituer un substitut à l’épreuve initiatique traditionnelle : le migrant rapporte alors une bicyclette ou une partie du montant de la dot par exemple (Roussel, 1967).
Les migrations causées par la tradition peuvent toucher des individus plus jeunes par le biais du “ confiage ” qui consiste entre individus de la même famille ou non en un échange ou en un don d’enfant. Le but de ce processus est de renforcer les liens familiaux entre membres d’une même famille, mis à mal par une séparation géographique, de favoriser l’accès à l’école en envoyant en ville des enfants issus d’un milieu rural (Lallemand, 1993) ou de soulager des mères trop occupées avec de nombreux enfants (Pilon, 1996). Il peut s’agir également, pour une famille pauvre, d’un moyen d’augmenter ces ressources : les enfants ou les adolescents sont alors placés en tant que domestiques ou gardes d’enfants contre rémunération (Bardem, 1997).
La religion joue aussi un rôle incitatif au départ, notamment l’Islam qui a favorisé le commerce. Ainsi Korhogo, à la frontière entre le Mali et le Nigeria, de même que Maradi (Niger) à proximité du Nigeria, tirent leur rente des retombées des négoces officiels et clandestins. Les deux villes abritent des groupes de marchands musulmans (les Dioula et les Haoussa) qui ont développé des réseaux très organisés et mobiles. Ils dominent ainsi le commerce ouest-africain depuis l’époque coloniale. Du fait de leur richesse, ils ont pris en charge les marabouts et élèves coraniques originaires de la brousse et ont édifié des mosquées dans les quartiers. Les parents, confiants dans cette prise en charge, envoient volontiers leurs enfants aux responsables religieux en ville, et ces jeunes viennent à leur tour gonfler le flux des migrants (Grégoire, Labazee, 1993).