II - Une histoire de la ville

La population du Niger reste très rurale puisque seuls 20 % des 9,8 millions de Nigériens habitent en ville, soit près de deux millions d’individus (L’état du monde, 1998). Or, la population de Niamey s’élève actuellement à 600 000 habitants environ (Seybou, 1995). La capitale regroupe donc presque un tiers des citadins du Niger, les autres se répartissant dans les différents centres urbains. Ce chiffre est loin de celui des grandes mégapoles du tiers-monde : Dakar possède ainsi 1 300 000 habitants en 1988 (Antoine et alii, 1995) et Bamako 750 000 en 1992 (Marcoux, Konate et alii, 1995). Cependant, par rapport aux autres villes du pays, elle est d’une importance capitale puisqu’aucune autre n’atteint cette échelle : Niamey est par exemple près de cinq fois plus peuplée que Zinder, la deuxième ville du pays (Sountalma, 1991). Sa densité est elle aussi très élevée puisqu’elle atteint le chiffre de 1 158 hab/km² alors que la moyenne de l’ensemble du pays est de 5,7 hab/km² (Sountalma, 1991).

Le village apparaît vers le début du XIXéme siècle, créé par un regroupement de conquérants maouris (les Gubes) venus du pays haoussa et de chasseurs kalleys (sous-groupe de Djermas), les premiers semblant en être les véritables fondateurs (Poitou, 1984). L’origine de son nom est soumise à controverse. Pour les Kalleys c’est ‘“ l’endroit où la mère va chercher de l’eau ”,’ pour les Maouris “ Nia ” est un type d’arbre qui se trouvait à l’endroit où ils ont abordé et “ Me ” désigne la bouche. En rive gauche du fleuve Niger, Niamey est composée d’un plateau de 250 m d’altitude moyenne, coupé en deux par le Gunti Yéna, petit affluent temporaire dont la présence s’explique par la fragilité de la falaise, cuirassée cependant en surface (Bernus, 1969 ; Sidikou, 1980). Cette petite rivière (“ la mare aux eaux fraîches ”) a dû être comblée à cause des moustiques. En rive droite, s’étend une plaine marécageuse en plusieurs endroits et d’altitude moyenne de 185 m. L’avantage principal du site est la proximité des matériaux de construction mais il pose des problèmes d’eau, notamment en rive gauche, qui fait dépendre la ville du fleuve (Sidikou, 1980) : voici le portrait succinct du terrain sur lequel s’est bâtie la ville.

Elle appartient à la fin du XIXéme siècle à une région cosmopolite peu sûre, aux marges des grands empires et occupée par des sociétés guerrières acéphales et donc à l’écart des principaux courants caravaniers (Motcho, 1991). Cette situation explique que ce n’est qu’à la fin du siècle dernier qu’une mission française la localise et en 1903 Niamey devient le chef-lieu du Territoire Militaire du Niger (Poitou, 1984), Zinder possédant alors le siège du commandement militaire (Sidikou, 1980). Jusqu'au milieu des années 20, cette dernière ville, plus proche des frontières coloniales, se développe au détriment de la future capitale. En 1924, après la transformation du territoire militaire en colonie autonome, Niamey redevient définitivement capitale d’une colonie aux contours proches de ceux du Niger actuel (Sidikou, 1980). A partir de ce moment, la ville va se construire, autour de son ancien centre et des aménagements des colons.

Toute ville est faite de son histoire, la comprendre, c’est aussi comprendre ce qu’elle est actuellement. Une étude sur les quartiers de Niamey montre en particulier les raisons de la répartition géographique des citadins, de nos incertitudes quant à définir le contour de certains quartiers, de nos choix d’un découpage cohérent pour l’analyse des données. Nous présentons ici une histoire, ou plutôt des histoires, des quartiers de Niamey. En effet, d’une part, la ville actuelle comporte encore, à leur emplacement premier, certains quartiers anciens et les villages rattachés. Nous les présentons dans une première partie. D’autre part, l’emplacement d’autres anciens quartiers s’est vu au contraire modifié au fur et à mesure du développement de la ville. Les opérations de lotissements et les déguerpissements les ont déplacés et, du centre, ils se sont retrouvés en périphérie. Nous les étudions dans une deuxième partie. Enfin, du fait de l’extension rapide de la ville, les premiers quartiers et les villages des périphéries, se sont rejoints en quelques années et sont reliés maintenant entre eux par de nouvelles zones, loties ou non. Ces nouveaux quartiers, issus de l’exode rural principalement, sont présentés dans une troisième partie.