1960 - 1970, un développement relativement anarchique

La république est proclamée le 18 décembre 1959. Le Niger devient indépendant le 3 Août 1960 et Niamey est alors nommée capitale du pays (Sidikou, 1980). C’est durant les deux décennies qui suivent que Niamey a connu la plus grande augmentation de population. La croissance économique s’accélère, les périodes de sécheresse augmentent, ce qui favorise l’exode rural (Poitou, 1984), facteur essentiel de l’essor démographique. Ainsi, en 1967, la capitale comprenait 57 000 habitants (Poitou, 1984). Cette population a été multipliée par 5 en 10 ans puisqu’elle atteint le chiffre de 225 000 en 1977, soit 4 % de la population du pays et 40 % de la population urbaine nigérienne (Seybou, 1995). La surface urbaine croît elle aussi rapidement : elle passe de 1 300 hectares en 1967, à 4 400 en 1977 puis à 4 848 en 1988, ce qui représente une croissance moyenne de 6,5 % par an (Motcho, 1991). La ville s’étend d’une part vers le Nord-Est (création par exemple du Nouveau Marché à proximité du cimetière) et sur la falaise en bordure du fleuve, en aval de l’Oued (ce sont les quartiers Terminus et Yantala-Bas) (Bernus, 1969). C’est aussi de cette période que date la Zone Industrielle. Le nombre de quartiers augmente donc. Apparaît par exemple Sabongari, la “ nouvelle ville ” en haoussa et le quartier des ambassades à l’Ouest de Yantala.

En fait, pour répondre à l’afflux de population, l’Etat lotit mais ne construit pas. De 1953 à 1988, on dénombre seulement 1 083 logements construits et destinés uniquement aux populations aisées (Motcho, 1991). Cette non-intervention explique la prolifération de quartiers non-lotis, alimentés par l’arrivée de nouveaux migrants. Les conditions de vie y étant particulièrement mauvaises, les autorités ont alors adopté des mesures d’urgence pour répondre aux nouveaux besoins (régularisations foncières, viabilisation et réhabilitation de quartiers anciens) mais de façon limitée et en fonction, comme auparavant, des bailleurs de fonds (Seybou, 1995).

Le quartier Talladjé est un exemple parlant de création foncière spontanée. Il date également de cette période de forte croissance. Talladjé (“ aux pieds du baobab ” en peul) est situé à l’Est de Niamey, sur la route de l’aéroport et à proximité de la Zone Industrielle. Le quartier existait avant l’arrivée des blancs (Poitou, 1987). Mais il ne commence à se développer qu’en 1966. Initialement qualifié de “ quartier-pirate ” il a pris de l’ampleur à l’instigation d’un notable de l’ancien village de Gamkallé, Soumana Sagaizé (Poitou, 1984). Obligé d’abandonner son terrain à Saga à cause de la construction d’une école, il vient rejoindre un premier noyau de population. Il s’établit dans un premier temps dans des cases en banco, puis il construit une demeure en semi-dur, plus “ conforme au statut social élevé dont il jouit en vertu de ses précédentes activités d’ancien combattant et d’agent de la fonction publique ” (Poitou, 1987, p. 149). Il est alors progressivement rejoint par des habitants de Saga. Ces premiers habitants ont vendu ou donné des terrains dès 1966 à des fonctionnaires aux revenus modestes, sur la base de parcelles 25x25 m. Le prix, au départ symbolique, a progressivement augmenté (Poitou, 1984). ‘“ Instruits par les nombreuses procédures d’expropriation, généralement sans indemnisation, qui touchent les terres situées à la périphérie de Niamey, les propriétaires coutumiers prennent alors le relais du marché foncier officiel qu’ils concurrencent de plus en plus efficacement par leurs offres de terrain plus avantageuses et plus abondantes ”’ (Poitou, 1987, p. 149). Talladjé attire donc tous les individus ayant des difficultés à obtenir des terrains par la voie légale (Poitou, 1987). En 1976, le quartier comptait environ 6 000 résidents (Poitou, 1984). Le service de l’urbanisme l’a alors rénové en respectant plus ou moins les tracés définis par les premiers occupants concernant les rues perpendiculaires et les emplacements réservés pour les écoles, les mosquées et les marchés. Même si cette urbanisation fut spontanée, elle ne fut ni sauvage, ni anarchique et l’on peut observer l’existence d’un marché foncier parallèle, palliant les carences du marché officiel incapable de satisfaire la demande et maîtrisé par un petit nombre de privilégiés (Poitou, 1984).