1980 à nos jours, une période de récession

A partir de 1980 et jusqu'à nos jours, la chute du cours de l’uranium et la rébellion touareg provoquent une longue période de récession. Les lotissements se ralentissent. Les priorités se fixent sur des reconstructions en banco de quartiers de paillotes, comme Boukoki, Grand Marché (incendié en 1982) ou Lazaret (Poitou, 1984). Les nouveaux quartiers accueillent maintenant les migrants les plus démunis. Ils souffrent d’incendies fréquents et sont à intervalles réguliers déguerpis au fur et à mesure de l’extension de l’urbanisation. D’autres accueillent aussi des habitants des anciens quartiers qui fuient les parcelles trop denses du centre et choisissent la périphérie pour devenir propriétaires (Poitou, 1984). Néanmoins, la ville continue à s’étendre sur cette période puisque toute la partie Nord (Banifandou, Dar Es Salam, Bagdad, Kouara Kano) est créée après 1980. Lazaret, lieu de mise en quarantaine des victimes de l’épidémie de choléra, est alors rejoint et viabilisé. Beaucoup moins de grands travaux sont entrepris mais ils sont plus somptuaires puisque le Palais des Congrès, l’Hôtel Gaweye sont élevés et le Grand Marché est reconstruit (Dulucq, Georg, 1989). C’est aussi une période où la ville connaît encore une forte croissance démographique : sa population est en effet multipliée par trois en moins de 20 ans, passant de 200 000 habitants en 1980 (Dulucq, Georg, 1989) à 600 000 aujourd’hui (Seybou, 1995).

Quantitativement le développement urbain s’est bien effectué sur la rive gauche. Mais qualitativement il a bien moins fonctionné et le bilan est largement négatif. Par exemple il n’y a toujours qu’un pont sur le fleuve et pour une population estimée à 476 000 en 1992, c’est la totalité de la zone prévue pour 750 000 habitants qui est occupée, ce qui accroît encore les problèmes d’équipement et de réseaux (Seybou, 1995).

Les raisons de l’échec du S. D. A. U. sont multiples. Tout d’abord, il s’explique par le fait qu’il a été détourné par les populations, les sociétés semi-publiques, les opérateurs privés et les bailleurs de fonds en raison principalement du climat conflictuel entre les différents partenaires institutionnels. Car Niamey a été érigée en Communauté Urbaine le 24 novembre 1988. Elle est dirigée par un préfet-maire et constituée de trois communes dirigées par trois maires. La ville relève du ministère de l’Equipement (pour les études), de celui des Finances (en ce qui concerne l’approbation des plans et le bornage...) et de celui de l’Intérieur (pour la vente et l’affectation des terrains...). Elle est également placée sous la houlette d’une Commission Nationale d’Urbanisme. Appuyé par la gestion autocratique des militaires, le S. D. A. U. était alors un outil que se donnait l’Etat pour faire de Niamey une ville moderne, capable de rivaliser avec les autres métropoles africaines, voire européennes et conformes aux intérêts des classes au pouvoir. En fait, il s’agissait de contrôler les accès à la richesse foncière urbaine (Seybou, 1995). En conséquence, la seconde ville, celle des couches de population non associées au pouvoir et qui n’étaient pas donc partie prenante de l’élaboration du S. D. A. U., prend le pas sur la première, celle qui est planifiée et qui bénéficie de l’argent public. L’absence de contrôle de la part de l’Etat renforce ainsi les occupations spontanées. Par exemple, les anciens propriétaires fonciers tentent de récupérer certains de leurs anciens droits en procédant à des lotissements informels, ce qui satisfait la demande des populations pauvres. C’est notamment le cas dans les quartiers périphériques tels que Saga, Goudel, Aéroport et Lazaret (Seybou, 1995).

En outre, l’intervention de sociétés parapubliques ou d’institutions diverses et variées pallie les carences de l’offre publique de logements, qui est seulement de 990 logements en 30 ans, en construisant ou faisant construire pour leur personnel. Dans le contexte actuel, l’urbanisme de la ville est remis en question au profit d’une approche plus pragmatique reposant sur une gestion au jour le jour des questions urbaines. D’autres modes d’intervention se sont donc développés. Un certain nombre d’équipements de quartiers (de la borne fontaine à l’école) ou d’actions quotidiennes (assainissement, ramassage d’ordures...) sont ainsi financés par des associations locales, surtout ces dernières années et ce, sans aucune planification préalable et avec de grandes disparités d’un quartier à l’autre (Seybou, 1995). Il y a aussi les actions d’origine privée qui concernent des domaines aussi divers que l’éducation, la santé, le transport, l’habitat et l’emploi. Ainsi, les établissements d’éducation privés se multiplient à tous les niveaux, le nombre de formations sanitaires augmente ainsi que leur spécialisation comme des pharmacies, des salles d’accouchement, des cabinets de kinésithérapeute. Elles attirent de plus en plus de malades du fait de la carence de médicaments dans le secteur public. De même, au niveau des transports, Niamey s’étirant sur une longueur de 20 km et une largeur de près de 15 km, on voit apparaître une gamme variée de transports privés : taxis urbains ou taxis de ligne reliant le centre aux quartiers périphériques par exemple (Seybou, 1995).

Ensuite, du fait de la chute du prix de l’uranium, de la baisse de l’activité du secteur moderne ainsi que de l’existence ces dernières années de plans d’ajustement structurels, le Programme d’Action Publique Prioritaire n’est réalisé en 1992 qu’à hauteur de 20 %, ce qui entraîne un déficit d’équipements (Seybou, 1995). Enfin, le S. D. A. U. a pâti de la sectorialisation des actions et de la multiplication des actions hors-plan (Poitou, 1984).

Globalement le nombre de quartiers a été multiplié par deux entre 1970 et 1988, la ville en comportant une soixantaine actuellement (carte 2-5) et répartis dans 3 communes (Niamey I, II et III). Leurs limites ont changé, certains ont été regroupés, d’autres ont changé d’emplacement. Ces transformations successives ont occasionné des brassages de populations dans toutes les zones de la ville même si quelques quartiers, notamment les anciens villages comme Yantala, Gamkallé, Saga ou Goudel, ont été relativement épargnés. En règle générale, on ne peut pas observer de quartier réservé à telle ou telle ethnie (Poitou, 1984). Une deuxième conséquence de ces changements est une certaine confusion dans l’esprit des citadins : ils utilisent d’anciens noms pour désigner les vieux quartiers du centre, Yantala peut désigner à la fois l’ancien village et les nouveaux aménagements à proximité, les différents Boukoki ne sont pas différenciés dans le langage courant par exemple. Ces approximations ont entraîné de nombreuses difficultés dans le traitement de nos données, surtout lorsqu’il a été demandé aux enquêtés de citer nominativement des quartiers. Elles nous ont amenés à effectuer des regroupements. Ainsi, en ce qui concerne les quartiers cités en réponse aux questions sur la localisation de l’habitat des riches, des pauvres... n’ont pas été différenciés Plateau 1, Plateau 2 et Issa Béri, regroupés sous le nom Plateau. De même, Banifandou 1 et 2 sont nommés Banifandou, Route Filingué 1 et 2 Route Filingué, Boukoki 1 à 4, Boukoki, Bobiel est assimilé à Foulani Kouara, Kalley Nord, Kalley Est, Kalley Sud et Kalley Amirou sont assimilés à Kalley. Nous indiquons au fur et à mesure de la présentation les regroupements ou différenciations éventuellement effectués.

Mais une ville n’est pas faite que de découpages administratifs et historiques, elle est aussi habitée de citadins dont les modes de vie la caractérisent également. Leurs activités professionnelles, leur habitat, leur vie familiale et sociale sont les fondements même de la forme de Niamey.