I - 2 - b : Des discours structurés autour du passé, du présent et de l’ailleurs

La méthode d’analyse se base sur une étude statistique multidimensionnelle. Chacun des 60 discours recueilli est caractérisé par l’emploi ou non de référents appartenant aux catégories identifiées. Nous avons alors procédé à une analyse factorielle des correspondances multiples sur les discours, qui nous a permis de mettre en évidence les oppositions et les associations qui les structurent (les axes significatifs sont les trois premiers).

Nous pouvons observer deux types d’opposition (graphe 3-1). Tout d’abord les référents occidentaux et ruraux occupent des places opposées, ce qui laisse supposer que, même pour un villageois, une expérience occidentale supplante dans le discours le vécu en milieu rural. L’autre opposition se situe entre passé et présent (référents relationnels et urbanistiques). Ce qui signifierait que des références au passé de la ville oblitèrent l’environnement social et physique. La notion de familiarité ainsi qu’un certain fatalisme augmentent avec le temps, dire “ je suis de là ” suffit à se situer par rapport à la ville habitée.

Analyse factorielle des correspondances des types de référents des discours sur la ville, axes 1-2
Variance expliquée par les deux axes : 57 %

Outre les précédentes oppositions, nous pouvons voir sur le graphe 3-2 des associations de temps et de lieux. En effet, un ailleurs au village est associé à un avant en ville. Leur point commun est une référence constante à la vie “ avant ” dans un passé imaginaire ou vécu, souvent idéalisé au niveau de la sociabilité mais réaliste en termes de progrès matériels et environnementaux. Les villageois se réjouissent ainsi souvent d’avoir pu travailler en ville.

Analyse factorielle des correspondances des types de référents des discours sur la ville, axes 1-3
Variance expliquée par les deux axes : 51 %

A l’opposé, un ailleurs occidental est lié à l’importance donnée à la solidarité et à la sociabilité urbaine, généralement plus en bien qu’en mal. L’individualisme occidental a frappé beaucoup de migrants et, pour les individus n’ayant pas été dans les pays du Nord, individualisme et Occident sont indubitablement associés.

Enfin, les référents urbanistiques ne sont associés à aucun autre type de référents en particulier : les individus regardent la ville telle qu’elle est dans le présent. Les référents passéistes ou par rapport à un ailleurs sont moins utilisés dans ce cadre.

La structure des discours sur la ville va se bâtir autour de ses thèmes. Ces représentations ne restent cependant que des visions partielles de l’espace vécu. Elles sont le reflet du positionnement de l’enquêté par rapport à un espace vaste qu’il a parfois du mal à se représenter dans son ensemble. Les représentations relatives au centre-ville et au quartier d’habitation précisent de ce fait cette analyse en mettant en évidence le positionnement de cet individu dans l’espace urbain (en tant que citadin, membre de la ville), et permettent donc de révéler des stratégies (ou leur absence) qui lui sont relatives. Elles font en conséquence l’objet respectivement du deuxième et du troisième paragraphe.