II - 2 : Lieu d’habitat et centre-ville

La localisation des activités que pratiquent les individus tient une place importante dans leurs représentations du centre-ville. Le centre ne devient une entité que s’il est reconnu en tant que tel. S’il n’est pas fréquenté ou s’il ne l’a pas été (quelles qu’en soient les raisons), il n’existe pas. Nous illustrons ici cette observation par l’analyse de l’influence de la localisation de l’habitat sur celle du centre et sur sa fréquentation.

Pour ceux habitant le centre (tableau 3-4), les marchés ne sont pas des éléments particulièrement caractéristiques du centre. Ils citent d’autres quartiers (dont Lacouroussou et Maourey) mais ne se focalisent pas sur sa fonction commerciale. Pour les habitants du péricentre, de la périphérie lotie ou des quartiers riches, le Grand Marché et le Petit Marché prennent plus d’importance et caractérisent le centre-ville au détriment des autres quartiers. Enfin, les habitants des périphéries lointaines maîtrisent moins cette partie de l’espace urbain : ils citent relativement moins les marchés, mais aussi plus des quartiers situés en dehors du centre et 13 % déclarent ne pas savoir où il se situe.

Type de centre
Zone d’habitat
Lacou-roussou Grand Marché Petit Marché Maourey Autre centre Hors du centre Ne sait pas Total
Centre 13 10 7 23 33 3 11 100
Péricentre 10 22 13 10 27 10 8 100
Périphérie lotie 7 17 19 21 23 7 6 100
Riche 8 20 20 13 24 7 8 100
Périphérie lointaine 3 13 15 10 28 18 13 100
                 
Total 8 16 14 15 28 10 9 100
% en ligne par rapport au total des habitants de la zone spécifiée

Ces représentations sont évidemment liées à des fréquentations (tableau 3-5). En effet, les habitants du centre en ont un usage plus varié du fait de leur familiarité avec cette zone : 59 % y ont des activités de loisirs et de visites et un quart d’entre eux y effectue à la fois ses achats, des activités professionnelles et de loisirs. En revanche, les habitants du péricentre, de la périphérie lotie ou des quartiers riches ont des usages plus restreints du centre-ville : presque un tiers des péricentraux n’y effectue que ses achats par exemple. Enfin, il apparaît que les habitants des périphéries lointaines y ont aussi des habitudes liées à des activités sociales.

Usage
Zone d’habitat
Commercial Relationnel Fonctionnel Multiple Total
Centre 8 59 8 25 100
Péricentre 30 42 10 18 100
Périphérie lotie 20 47 15 18 100
Riche 21 48 11 20 100
Périphérie lointaine 27 53 10 10 100
 
Total 22 49 11 18 100
% en ligne par rapport au total des habitants de la zone spécifié fréquentant effectivement le centre-ville

Or, si on compare les localisations de l'habitat et du centre, pour ceux ayant effectivement donné une réponse à la question de la localisation du centre-ville (tableau 3-6), il apparaît que les habitants du centre indiquent de préférence des lieux dans le centre mais éloignés des marchés. Pour les habitants du péricentre, des périphéries loties et des quartiers riches, ce sont le Petit et le Grand Marché qui caractérisent le centre. Enfin, les résidents des périphéries lointaines indiquent, comme les habitants du centre, des quartiers centraux en dehors des marchés, mais 21 % le localisent en dehors du centre prédéfini.

Type de centre
Zone d’habitat
Lacou-roussou Grand
Marché
Petit Marché Maourey Autre
centre
Hors du centre Total
Centre 14 11 8 26 38 3 100
Péricentre 11 24 14 11 30 10 100
Périphérie lotie 8 18 20 22 25 7 100
Riche 9 22 22 15 26 6 100
Périphérie lointaine 4 15 17 11 32 21 100
               
Total 9 18 16 16 30 11 100
% en ligne par rapport au total des habitants de la zone spécifiée

Nous avons donc une corrélation qui apparaît entre la localisation de l’habitat, la localisation et la fréquentation du centre. Pour les habitants du centre, cette partie est connue et familière, c’est le lieu de leurs activités quotidiennes. Pour ceux des périphéries non lointaines, c’est avant tout un lieu fonctionnel et/ou un lieu commercial. Il est identifié en tant que tel et se cristallise autour du noyau constitué des marchés centraux de Niamey. Enfin, les résidents des périphéries lointaines ont des usages plus variés de cette partie de la ville. Un certain nombre (13 %) ne savent pas répondre à la question de la localisation du centre (et donc déclarent ne pas le fréquenter). Pourtant, une partie d’entre eux peuvent connaître cette zone mais ne l’identifient pas en tant que centre. Ils ne structurent pas l’espace urbain en une hiérarchie incluant le centre. Une autre partie indique une zone différente à celle définie comme centrale. Leurs activités se déroulent sans doute ailleurs. Enfin, un dernier groupe cite des zones du centre mais en dehors des marchés. En fait, il semble que ceux-ci soient trop loin de leur habitat pour que l’habitude d’y faire des achats puisse être régulière, les marchés de quartiers étant préférés au quotidien. Ils associent d’abord le centre à des activités de loisirs et de visites.

Images et usages sont donc intimement liés. L’étude du centre-ville et les différences de fréquentation montrent en effet que vivre dans un espace urbain n’implique pas des représentations cohérentes et homogènes au sein d’une population. Le centre est un espace familier lorsqu’il est habité mais devient un lieu vide de sens lorsqu’il n’est pas intégré dans un schéma mental de la ville, parce qu’il est trop loin ou pas assez attracteur par exemple. La notion de proximité est alors très importante. Ainsi, pour les habitants des périphéries lointaines, situer ce centre est plus difficile que pour les autres : 13 % de ses habitants ne peuvent pas répondre à la question de la localisation par exemple, contre seulement 6 % des habitants de la périphérie lotie. Les contraintes financières, l’absence de besoins générés par ce centre montrent qu'ils ne l'incluent pas dans leurs itinéraires. Le quartier d’habitation devient le lieu central de nombreuses activités. De même, cette observation sur l’importance de l’environnement immédiat est renforcée par le comportement des résidents du centre qui y développent leurs réseaux. Ainsi, le quartier d’habitation est un espace à part, qui, lui aussi, implique des représentations spécifiques.