IV - Conclusion : une première synthèse des representations spatiales

La conclusion que nous pouvons apporter à cette approche des représentations spatiales est multiple. Espaces et temps, espaces et usages, espaces et société sont les différentes bases 17 sur lesquelles vont se construire les représentations spatiales de la ville. La variété des résultats trouvés, que ce soit en termes de référents, en termes de ségrégation socio-économique par exemple, montrent que la ville de Niamey n’existe pas. Nous pouvons au contraire identifier des villes, combinant les relations des citadins aux différents espaces urbains. Une illustration de cette multiplicité est donnée par l’analyse des discours. En effet, l’argumentation essentiellement non spatiale utilisée pour décrire la ville révèle des représentations urbaines autant sociales que spatiales.

Nous avons ici montré que les référents utilisés dans les discours relatifs à la ville et au quartier d’habitation sont élaborés sur des bases différentes et que de leur articulation peut se déduire un ensemble de représentations de l’espace vécu global. Au niveau local du quartier d’habitation, les référents sont actuels dans le temps et dans l’espace car se pose concrètement la question de l’appartenance voulue à un groupe social. Au niveau de l’ensemble de la ville, les repères sont liés à un ailleurs spatio-temporel car l’espace est plus difficilement maîtrisable. L’emploi d’un référent dans un discours sur la ville n’exclut pas l’emploi d’un autre dans un discours sur le quartier d’habitation : les structures globales des discours spatiaux sont donc particulièrement complexes. Les principales articulations identifiées sont illustrées par le tableau 3-10. Les types de qualificatifs du quartier servent de premier discriminant puisqu’ils sont relativement plus incompatibles entre eux que ne le sont les types de référents sur la ville.

Types de qualificatifs du quartier Types de référents sur la ville Types de représentations
Quartier signe - occidental, passéiste, relationnel


- relationnel, urbanistique
ville, symbole de la modernisation des mentalités

ville, symbole de la modernisation de l’espace physique et des mentalités
Quartier cocon - tout type de référents ville cocon
Quartier fonctionnel - occidental, relationnel (voire urbanistique)

- rural
ville pratique


ville rejetée
Quartier isolé - relationnel, urbanistique (voire occidental) vile subie

Les référents dynamiques sont donc composés d’allusions, de connotations, de comparaisons à un ailleurs spatio-temporel stigmatisé positivement ou négativement mais à tout moment remis à jour par l’addition de nouvelles expériences. Ce sont eux que l’on retrouve dans les discours sur la ville. En revanche, à une échelle spatiale plus réduite où le contrôle social, quelle qu’en soit la forme, est plus fort, sur un espace où se joue l’insertion sociale, les référents représentent la position de l’individu par rapport à une norme socioculturelle vers laquelle il tend. Ces référents des discours sur le quartier d’habitation sont donc plus stables dans le temps. L’utilisation par les citadins de ces deux types de référents démontre le problème de la confrontation des attentes individuelles et sociales, l’un prenant le dessus sur l’autre en fonction des enjeux pour chacun. Ces enjeux sont eux-mêmes fonction des déterminants socio-économiques qu’il s’agit ici d’identifier.

Avant cela, nous allons effectuer une présentation de la mobilité urbaine quotidienne. Elle est succincte car, ainsi que nous l’avons noté dans le premier chapitre, contrairement aux représentations spatiales, de nombreuses études ont montré sa corrélation avec des déterminants socio-économiques. La prochaine section présente donc le cadre général des caractéristiques des déplacements des citadins de Niamey. Nous pourrons ensuite, que ce soit en ce qui concerne cette mobilité ou les représentations spatiales, étudier les différentes relations homme - espace en fonction des discriminants principaux de ces dernières.

Notes
17.

Ces dimensions avaient d’ailleurs déjà été identifiées par Gilbert (1986) dans son étude sur le courrier des lecteurs d’un journal canadien. La caractérisation des espaces de la ville référait selon elle à la topologie, au temps, à l’usage, au social et au matériel. Elle montrait aussi d’ailleurs que ces différents thèmes ne se rapportaient pas aux mêmes échelles d’espace. Cette comparaison ne peut s’étendre plus loin, vu les écarts de contexte culturel.