I - 2 : Du jeune individualiste à l’aîné socialisant

Le repli des représentations des aînés sur le quartier d’habitation s’observe tout d’abord sur la ville, notamment au niveau de la perception des zones animées et des zones dangereuses et pauvres. En effet, pour les hommes âgés, les quartiers plus animés le jour que la nuit perdent leur caractère d’animation de nuit, sans que celui d’animation diurne en soit renforcé. En fait, avec l’âge, les individus se déplacent moins la nuit, les rencontres se font plus au domicile ou dans des mosquées que dans des bars et l’animation nocturne est restreinte à quelques lieux. Il faut noter aussi que ce sont eux qui citent plus le marché de nuit de Yantala. Ils se rapprochent en ce sens d’une cartographie “ féminine ” de la ville, même si leur mobilité quotidienne reste plus élevée que celle des femmes.

L’attachement au quartier est nettement plus profond pour les plus âgés car le développement d’un sentiment de familiarité et de sécurité avec l’environnement est proportionnel avec le nombre d’années passées au sein du quartier. Or ce dernier est corrélé fortement avec l’âge, tant chez les femmes que chez les hommes (tableau 4-4). De plus, l’ancrage dans le quartier s’est fait par l’accession à la propriété comme nous l’avons vu pour les hommes et femmes âgés.

  Nombre d’années dans le quartier
Femmes
jeunes 5
adultes 13
aînées 24
   
Hommes
jeunes 7
adultes 11
  aînés 24

Ainsi, autre indice d’enracinement, le désir de déménager est proportionnel à l’âge (graphe 4-8) : plus l’individu est âgé, moins il désire partir, quel que soit son sexe. De plus, si les aînés sont peu attirés par les quartiers riches, c’est à l’avantage des périphéries et non du centre, peut-être parce que leur priorité est d’abord l’accès à la propriété ou à un voisinage connu et non à des services commerciaux. Dans tous les cas, les quartiers riches ne correspondent pas à leurs attentes.

Cet ancrage se traduit également dans leur représentation du quartier d’habitation. L’influence de l’âge est marquée, dans tous les cas, par un repli affectif sur le quartier et les relations de voisinage, ce qui accentue l’importance donnée à la proximité des parents et amis (graphe 4-9). Du fait du fort taux d’activité à tout âge, l’importance de la localisation de l’activité professionnelle par rapport au lieu d’habitat dépend peu de l’âge.

En termes de représentations, les différences entre les hommes jeunes et adultes sont moins fortes que pour leurs semblables féminins car ils travaillent tous et n’ont pas largement accédé à la propriété de leur logement. Indépendants, les hommes jeunes et adultes font partie des individus dominants. La proximité du lieu de travail, le coût du logement et le raccordement aux réseaux sont importants pour eux. Cette observation avait déjà été faite par Sidikou (1980) qui indiquait que les difficultés majeures pour les 30-40 ans étaient liées à l’éloignement et à l’insuffisance des équipements. Ils sont moins préoccupés que leurs aînés de l’environnement de leur concession, qu’ils souhaitent plutôt calme.

Pour les hommes âgés, nous observons un repli relatif sur l’habitation. Ils sont plus soucieux de son animation et, mais dans une moindre mesure, des liens sociaux de proximité. En ce sens, l’importance de la proximité des relations et des commerces est plus marquée tandis qu’ils ne citent pas le calme et la sécurité dans leur quartier, peut-être parce que, par rapport aux aînées, ils sont moins dépendants de leur quartier. Ils se référent plus à la collectivité, au groupe que leurs cadets. Effet d’âge ou de génération, ils lui donnent plus d’importance, sans doute aussi parce que les espaces fréquentés sont plus proches de leur logement que pour les jeunes ou les adultes.