II - Notion de proximité et activité

Les plus fortes variations au sein des représentations spatiales s’observent en fait au niveau du quartier d’habitation pour lequel les représentations sont nettement influencées par l’activité professionnelle de l’individu.

Si un tiers des actifs et des inactifs a envie de déménager, les destinations envisagées ne sont pas les mêmes. Les femmes inactives sont plus attirées par le centre (attrait de la proximité des services peut-être). Les hommes actifs voudraient habiter les quartiers riches alors que les inactifs préfèrent le péricentre. Nous pouvons donc observer pour eux deux types de stratégie, d’ascension sociale non seulement par le travail mais aussi par le type de quartier d’habitation.

L’opposition actifs/inactifs peut se lire aussi à travers les caractéristiques du quartier d’habitation (graphe 4-13). Le fait de travailler occasionne en effet des déplacements hors du domicile et pour des motifs essentiellement professionnels, comme nous le verrons dans l'étude de la mobilité. Les actifs sont donc amenés à relativiser la place de leur quartier dans la ville, la place de leur logement dans le quartier et dans la cité. De plus, les actifs, parce que la plupart d’entre eux acquièrent de fait une certaine indépendance financière, peuvent faire des projets relatifs à l’amélioration de leurs conditions de vie. En revanche, les inactifs ayant moins de perspectives (et par un effet d’âge chez les hommes au moins), au moins individuellement, développent des stratégies plus conservatrices. Pouvant aussi moins se déplacer (par manque d’argent), ils resserrent leurs réseaux de relations.

Les différences hommes/femmes sont ici liées à la nature des activités. Les femmes travaillent plus dans leur quartier d’habitation, à proximité de leur domicile. L’exigence de proximité du lieu de travail est moins forte. De fait, leurs activités sont moins lucratives et elles ont des attentes moins urbaines de leur quartier que les hommes. Les hommes inactifs, qui sont des hommes âgés comme nous l’avons vu précédemment, sortent plus à l’intérieur de leur quartier que les femmes inactives, ils sont plus sensibles à la notion de proximité des parents et des amis. Anciens actifs, ils en ont une vision moins villageoise.

D’ailleurs, lorsqu’on élimine la proposition “ proximité du lieu de travail ”, les différences entre les femmes actives et inactives disparaissent, alors que celles entre les hommes actifs et inactifs restent importantes (graphe 4-14). Les hommes inactifs, tout en restant attachés au calme dans leur quartier (l’animation est une attente clairement féminine), ont des références plus sociales, moins individualistes que les actifs puisqu’ils sont plus dépendants des contraintes extérieures ; c’est dans ce sens qu’ils se rapprochent des femmes. Le fait d’avoir un pouvoir économique implique en effet une transformation des relations à l’espace qui est soit outil d’ascension sociale, peu porteur d’affectivité a priori pour les hommes actifs, soit espace subi et alors transfiguré a posteriori en espace à fortes connotations sentimentales pour les autres.

Plus précisément, les femmes inactives donnent plus d’importance, par rapport aux actives, à la proximité de leurs amis et parents au détriment de celle des commerces et du lieu de travail évidemment. De plus, comme elles restent toute la journée dans la concession, elles souffrent plus de problèmes de place que les autres. De même les hommes actifs insistent logiquement plus sur la proximité du lieu de travail que les inactifs qui privilégient la proximité des commerces et le calme dans le quartier et qui, en cela, sont plus sensibles à la qualité de vie de leur environnement immédiat. Les écarts entre le poids relatif des commerces, des amis et du lieu de travail dénotent des déplacements quotidiens de nature différente.