VI - Effets de la précarité chez les actifs pauvres

Un emploi exercé de façon permanente a l’avantage, par exemple, de permettre d’économiser pour des achats importants puisque les revenus sont alors peu soumis aux aléas du marché, et ce même s’ils sont pauvres. Les employés occasionnels en revanche sont en situation précaire et les éventuelles économies sont de préférence allouées aux périodes difficiles qu’à des projets liés à un changement favorable de situation (comme l’achat d’une voiture ou d’une maison), ce qui fait référence à la différenciation entre les tactiques des pauvres et les stratégies des “ sujets de pouvoir et de vouloir ” précédemment évoquée. Pratiquement, la précarité de l’emploi a été évaluée de la façon suivante :

Fonction Sans études Avec études
Domestique précarisé non précarisé
Employé non précarisé non précarisé
Indépendant précarisé non précarisé
Technicien - non précarisé
Cadre moyen - non précarisé
Aide familial précarisé précarisé
Ouvrier précarisé précarisé
Tâcheron précarisé précarisé
Patron précarisé -
note : “ - ” signifie qu’aucun individu enquêté, chef de ménage, n’appartient à cette catégorie.

La précarité se traduit par des revenus plus aléatoires et encore moins élevés que ceux des non précarisés : le revenu moyen mensuel des premiers est de 25 000 FCFA alors qu’il s’élève à 35 000 FCFA pour les seconds. Les précarisés sont donc plus dépendants de la solidarité traditionnelle et notamment d’une sociabilité de quartier. De fait, la proximité des amis et des parents est beaucoup plus importante pour eux : 70 % la citent comme l’une des trois caractéristiques les plus importantes pour un quartier alors que seuls 55 % des actifs pauvres non précarisés le font. Les précarisés préfèrent un quartier animé et leurs attentes sont de type villageoises. Les non précarisés se préoccupent quant à eux plus de la qualité de leur logement et rejettent en partie les quartiers populaires pour préférer le calme, même s’ils le font relativement moins que les actifs aisés.

La précarité a aussi des effets sur la mobilité quotidienne puisque les non précarisés se déplacent plus et plus en modes motorisés, les précarisés ayant sans doute moins accès aux véhicules particuliers puisque le payement par crédit leur est plus difficile. De fait 30 % des déplacements des non précarisés sont motorisés contre 17 % des précarisés. La vie quotidienne prend également plus de place dans la mobilité quotidienne de ces derniers au détriment du travail, même si c’est dans ce groupe que l’on trouve le plus d’ambulants. De fait, ils se déplacent plus dans leur quartier d’habitation.

En conclusion, la précarité du travail rend vulnérable les situations individuelles et reflète de fait des espaces pratiqués plutôt centrés sur le quartier d’habitation. La ville est plus inaccessible pour ces individus, et ce d’autant plus que le système d’assurance au quotidien est assuré par des relations de proximité.