VII - Synthèse

Les ménages aisés ou modestes se déplacent largement dans la ville, ils la connaissent bien et en ont une représentation hiérarchisée par des critères socio-économiques, et ce pour plusieurs raisons :

En revanche les ménages pauvres sont plus confinés à l’intérieur de leur quartier. Cette situation est liée au manque de moyens de transport et à la localisation de leur habitat dans les périphéries. Il les empêche de fréquenter une ville qu’ils connaissent peu et vers laquelle ils ne veulent en conséquence pas nécessairement aller. Ce cercle vicieux induit une représentation spatiale repliée sur le quartier d’habitation, de type villageoise, où la proximité des services, des amis et des parents est primordiale. Au contact même de cet environnement, plus fréquemment que les ménages aisés, les individus des ménages pauvres en ont une représentation plus populaire, avec des exigences pratiques (notamment chez les femmes). L’attachement au quartier est inhérente à cette situation car, du fait de sa fréquentation riche et quotidienne, ‘“ l’identité des habitants aura plus d’occasions pour se nourrir et les liens émotionnels avec le quartier pourront être forts ”’ (Noschis, 1984, p.143). Mais il faut noter que cette attitude est aussi la conséquence d’un espace urbain plus subi que choisi, vu les contraintes financières auxquelles les individus pauvres doivent faire face et qui réduit les choix du quartier d’habitation : on ne reconstruit “ qu’après coup ” un environnement sécurisant. Si, pour les aisés, il est plus facile de le faire, les pauvres, par exemple, ont besoin de faire référence à des repères plus traditionnels basés sur la solidarité. Cet enracinement pourrait aussi traduire en fait une réduction “ temporo-spatiale ” de l’espace de projection des individus (Leroy, 1994). Ils veulent moins déménager par exemple et raisonnent plus en termes de tactiques ou d’opportunités tandis que les plus aisés pourraient inventer des stratégies à long terme. Cette terminologie est d’ailleurs aussi celle adoptée par De Certeau (1980) qui définit la stratégie comme “ le calcul (ou la manipulation) des rapports de force qui devient possible à partir du moment où un sujet de vouloir et de pouvoir (une entreprise, une armée, une cité, une institution scientifique) est isolable ” (De Certeau, 1980, p. 85). Au contraire, la tactique, apanage des “ faibles ”, ‘“ fait du coup par coup. Elle profite des “ occasions ” et en dépend, sans base où stocker des bénéfices, augmenter un propre et prévoir des sorties [...] Elle est ruse ”’ (De Certeau, 1980, p. 86-87). Si cet auteur cantonne les stratégies aux structures complexes, nous pouvons dans notre contexte étendre la notion de ‘“ sujet de vouloir et de pouvoir’ ” aux individus privilégiés dans Niamey, ceux qui ont les moyens financiers et peut-être relationnels de s’affranchir relativement plus que les autres des aléas du marché, de la crise économique et des déficiences de la ville en services sociaux ou de santé par exemple. Cette hypothèse est renforcée par les observations que nous avions faites sur les individus les plus âgés par rapport aux plus jeunes. Les premiers sont fixés, ont moins de projet tandis que les seconds sont plus critiques ou ont plus d’exigences et d’ambition vis-à-vis de la ville.

Les ménages modestes se situent entre ces deux extrêmes. Ils oscillent entre le repli sur le calme, la sécurité du quartier et une représentation de type occidentale. L’esprit de proximité et de solidarité a ses contraintes de clientélisme qui les obligent à répondre aux sollicitations puisqu’ils se trouvent dans une situation avantageuse par rapport à la majorité de leur entourage. L’appartenance à une couche sociale plus favorisée les pousse à s’en détacher pour se montrer plus individualiste. Ce dernier choix a le désavantage d’isoler l’individu, qui, en cas de problèmes, trouve moins d’aide.