I - Le lieu de naissance

L’étude du lieu de naissance est effectuée sur les individus n’ayant pas migré en Occident. En effet, ainsi que nous le verrons ultérieurement, les migrations en Occident sont le vecteur de changements profonds dans les rapports homme - espace et “ annulent ” pour ainsi dire l’effet du lieu de naissance. Comme 49 individus ont séjourné dans un pays occidental, notre analyse concerne 1 311 chefs de ménage et épouses.

Cependant, il faut noter ici que cette caractéristique, malgré toutes les précautions prises au niveau des enquêteurs 27 , peut parfois êtrefaussée par une mauvaise interprétation de la question par les enquêtés. En effet, il est commun au Niger que les femmes partent accoucher dans leur village d’origine et y restent une quarantaine de jours après la naissance de l’enfant. C’est ce lieu qui a pu être indiqué alors qu’il ne correspond pas au lieu où l’enfant a été élevé effectivement. Cependant, nous la conservons sans la modifier puisque nous sommes dans l’impossibilité de corriger ce biais. Néanmoins, la répartition de l’échantillon en fonction du lieu de naissance est sensiblement semblable à celle de la population totale observée lors du dernier recensement où 30 % des individus étaient nés à Niamey et 10 % à l’étranger (tableau 5-1).

La répartition de la population niaméenne montre bien l’importance des migrations rurales (tableau 5-1). Seul un quart des citadins est né à Niamey, les autres venant essentiellement d’un milieu rural ou d’une autre ville. Or, l’analyse des évolutions démographiques des villes du Niger indique que, jusque dans les années 70, aucune ne dépassait 20 000 habitants (Motcho, sd). De fait, vu le développement économique du pays, le caractère rural des villes du Niger et la concentration de la plupart des services publics sur la capitale, être né dans une autre ville nigérienne ou dans un village n’est pas différent en termes d’accès à des études supérieures, à des loisirs urbains (comme les cinémas) ou au confort dit “ moderne ” au domicile (téléphone, électricité). Par ailleurs, d’autres enquêtes ont elles aussi comparé les individus “ venus d’ailleurs ” sans distinction de lieu d’origine avec les “ autochtones ” (voir, par exemple, Mainet, 1995). Ainsi, nous regroupons pour le reste de l'analyse les individus nés au village et ceux nés dans une autre ville. Comme nous n’avons pas de renseignements sur la nationalité des enquêtés, nous ne prenons pas en compte ceux qui sont nés à l’étranger ; ils ont pu en effet être élevés dans des contextes socioculturels très différents.

Lieu de naissance Niamey Autre ville nigérienne Village Etranger Total
nb. ind. 318 383 492 118 1 311
% / pop. totale 24 29 38 9 100

Finalement, la population étudiée est constituée de deux groupes : les “ Niaméens ”, nés à Niamey et les “ villageois ” nés dans un village ou dans une autre ville. Le premier groupe comporte 318 personnes (un quart de l’échantillon total), le deuxième 875 individus (67 % de la population) 28 .

En termes d’âge, de genre et de composition des ménages, les villageois ont sensiblement les mêmes caractéristiques que les Niaméens, si ce n’est que les premiers ont en moyenne un peu plus d’enfants présents au domicile (4,3) que les derniers (3,8). Mais la localisation des habitations respectives est très différente : les Niaméens habitent plus largement dans le centre-ville car c’est là que se trouvent les plus anciennes concessions. C’est pour la même raison qu’un tiers d’entre eux loge aussi dans les périphéries lointaines contenant les villages rattachés. Les villageois se logent plutôt dans les nouvelles périphéries loties. D’ailleurs, si l’on étudie la répartition des individus en fonction du découpage en “ zones perçues ”, il apparaît que les Niaméens habitent plutôt la zone villageoise et pauvre (dont la périphérie lointaine) tandis que les villageois habitent relativement plus la zone dangereuse et pauvre (où se trouvent les nouvelles périphéries loties), ce caractère dangereux ayant été alors amplifié par l’arrivée des migrants ruraux.

Ces différentes localisations de l’habitat se traduisent également par des écarts dans le type de logement et le statut d’occupation. En effet, les Niaméens sont évidemment plus largement propriétaires que les villageois. On peut penser qu’ils ont pu, contrairement aux migrants ruraux, hériter en particulier des concessions familiales. De fait, 70 % d’entre eux occupent des concessions, ce qui est un taux supérieur à celui observé chez les villageois (soit 60 %).

Le lieu de naissance est aussi un déterminant fort de l’activité professionnelle car être né en ville favorise l’accès aux études, et notamment aux études supérieures. Ainsi, si 56 % des villageois n’ont jamais été à l’école, c’est le cas d’un tiers des Niaméens, ce qui implique une richesse individuelle plus importante chez ces derniers. Il faut cependant remarquer que les Niaméens travaillent plus dans le secteur de l’agriculture car ce sont eux qui possèdent les champs en périphérie.

Notes
27.

Ce problème a été spécifiquement notifié aux enquêteurs lors de leur formation, nous leur avons demandé d’y être très attentifs.

28.

Nous aurions aussi pu prendre en compte la durée de résidence. En effet, quelques individus ne sont pas nés à Niamey mais y sont arrivés relativement jeunes : 6 avant l’âge de 5 ans, 10 avant l’âge de 10 ans et 17 avant 13 ans. Le problème du choix d’un âge à l’arrivée à partir duquel l’individu peut être considéré comme Niaméen étant délicat, nous avons opté sur le simple lieu de naissance comme critère.