II - 2 : La ville village des ruraux

Les qualifications des zones sont modifiées en fonction du sexe, de l’âge mais aussi du lieu de naissance. Ainsi les inactives villageoises ajoutent à la zone dangereuse le qualificatif de pauvre, qu’elles soient elles-mêmes aisées ou pauvres. Par ailleurs, la zone généralement représentée comme dangereuse et pauvre perd son caractère dangereux chez les villageoises qui y habitent alors qu’il est accentué chez les Niaméennes (et notamment les plus pauvres).

Cet accent mis sur la pauvreté est aussi observé dans la zone villageoise et pauvre qui est perçue comme plus pauvre par les Niaméens aisés hommes ou femmes tandis que les Niaméens pauvres, ainsi que l’ensemble des villageois, insistent sur son caractère villageois, ce qui correspond à une réalité démographique. En effet, ce sont les Niaméens pauvres qui habitent les anciens villages de la périphérie tandis que les plus riches, en réaction, les dévalorisent. Les villageois ayant une connaissance moins ancienne a priori de l’histoire de la ville ont une représentation de cette zone globalement homogène.

Pour les inactives, quelle que soit la richesse du ménage, les Niaméennes ont moins répondu que les villageoises et celles qui ont répondu ont indiqué le même nombre de quartiers en moyenne. Au contraire, chez les actifs les nombres de non-réponse sont équivalents dans les deux groupes pour chaque question mais, pour ceux qui ont répondu, les villageois ont cité moins de quartiers en moyenne par question. Ces écarts peuvent être à la fois l’indice d’une moindre connaissance de la ville mais aussi d’un refus quasi “ culturel ” de la part des pauvres de répondre aux questions (voir en référence le chapitre 3).

Enfin, il existe aussi une différence dans l’emploi des lieux spécifiques entre Niaméens et villageois. Les actives les plus pauvres nées au village citent peu les cinémas et les lieux de spectacles et privilégient les marchés et les lieux populaires. Cette préférence des villageoises pour les citations du marché de nuit au détriment des lieux de loisirs urbains est aussi vérifiée pour les autres groupes de femmes. Cette observation préfigure des pratiques de la ville différenciées, l’une plus citadine que l’autre puisque profitant des offres de loisirs particulières à la capitale.

En conclusion, les écarts entre les représentations de la ville s’observent principalement chez les inactifs pauvres, qui sont ici des femmes. Les villageoises, si elles répondent plus largement aux questions, perçoivent encore la ville de façon peu “ urbaine ” : on peut y vivre dans certains quartiers comme au village et elles citent peu les lieux de loisirs urbains. La pauvreté est un critère moins employé pour qualifier les quartiers. Les Niaméennes, a contrario, ont une vision plus caricaturale de la ville : elles répondent d’ailleurs moins aux questions. Pour ces femmes, paradoxalement, la ville est en fait un espace peu connu et l’objet de représentations caricaturées, avec des zones dangereuses plus étendues que celles des villageoises et une différenciation quartier pauvre/quartier riche plus marquée.