II - 4 : Synthèse

En définitive, dans les groupes de femmes, les villageoises sont plus isolées socialement que les Niaméennes. Elles se sentent moins en sécurité dans leur quartier et ressentent plus les préoccupations financières ; elles tentent donc de retrouver, même inconsciemment, des indices de leur vie villageoise dans Niamey. Ainsi, un tiers des actives aisées villageoises a donné en réponse à la question sur la vie “ comme au village ” leur quartier alors que moins de 20 % des Niaméennes l’ont fait. Leurs activités sont d’ailleurs semblables à celles se déroulant au village et leurs représentations n’intègrent pas des lieux typiquement urbains. Le centre-ville est avant tout un lieu d’achats. Mais, sous cette dénomination, se cachent d’autres qualités : le marché est aussi un lieu de rencontres, d’informations, et il lui est souvent associé un caractère sécurisant rappelant le marché villageois (Frémont, 1982). Les Niaméennes ont, quant à elles, un fort sentiment de familiarité dans leur quartier d’habitation et les parties de la ville qu’elles connaissent ; les nouveaux lotissements, sans pôle d’intérêt particulier et peuplés notamment par les villageois, sont des zones dangereuses. Par exemple, les jeunes inactives des ménages riches nées à Niamey pensent que leurs quartiers d’habitation sont animés la nuit alors que leurs homologues villageoises inclinent à les trouver dangereux. Les lieux de référence sont ainsi plutôt les anciens quartiers, qu’ils soient centraux ou périphériques. Des variations interviennent en fonction de la richesse qui permet aux individus de se déplacer plus largement et favorise un sentiment de sécurité au niveau de l’ensemble de la ville. L’activité professionnelle modère elle aussi ces observations puisqu’elle implique des fréquentations plus étendues de la ville, au moins pour l’approvisionnement des commerces. C’est ainsi que les Niaméennes connaissent un peu mieux la ville que les villageoises car elles travaillent moins dans le quartier d’habitation.

Pour les actifs adultes aisés, les résultats sont différents. Les villageois qui ont “ réussi ” professionnellement reproduisent un tissu de relations de type traditionnel, favorisant la proximité des réseaux de relations : ils peuvent en effet ‘“ jouer des représentations de l’espace et du temps héritées de leur passé villageois ”’ dans un contexte nouveau pour eux (Le Bris, 1981, p. 172). En revanche, les Niaméens vont avoir des représentations plus proches d’un mode de réussite occidental : la réussite va passer par l’accès à un confort moderne et à un mode de vie plus individualiste, ce qui explique qu’ils jugent plus sévèrement leurs quartiers d’habitation. En effet, ceux-ci sont cités comme étant des quartiers pauvres alors que ce n’est pas du tout le cas pour les villageois. L’opinion générale plus sévère des Niaméens sur leur quartier a aussi une raison plus psychologique et peut être due à ‘“ la prise de conscience de plus en plus élevée des insuffisances du quartier et surtout la retenue voire les scrupules vis-à-vis des insuffisances d’un milieu dans lequel on a longtemps vécu [...] ” ’(Sidikou, 1980, p. 248). Les différences quant aux représentations du centre-ville sont moins importantes et viennent en partie des types d’emplois (fonction publique pour les Niaméens, informel pour les villageois).

Une étude de la mobilité quotidienne de l’ensemble de ces groupes permet de mettre en évidence les attitudes qui sous-tendent ces différences de représentations spatiales.