IV - 1 : Le sentiment d’isolement des villageoises pauvres contre l’intégration positive des Niaméennes pauvres

L’insertion urbaine des femmes et le développement de leurs relations personnelles ne passent généralement pas par le biais du monde du travail. En effet, nous avons vu que les femmes sont en grande partie inactives et que, lorsqu’elles travaillent, elles tiennent des petits commerces dont les revenus sont essentiellement d’appoint. Pour les pauvres, les réseaux se construisent donc dans le voisinage. Or, ce dernier peut ne pas représenter une unité d’accueil dans laquelle l’individu peut s’intégrer car il ne suffit pas de partager un lieu et des équipements collectifs pour que le quartier devienne village. La proximité spatiale ne suffit pas à fabriquer la cohésion sociale que l’on pourrait appliquer à toute communauté (Noschis, 1984). C’est ainsi que les villageoises, parce qu’elles sont en situation moins stable que les Niaméennes tant au niveau de l’habitat que des revenus du ménage, éprouvent un fort sentiment d’insécurité devant une ville ou un quartier qui leur reste peu familier. Si nous comparons leur mobilité, on peut observer une plus forte concentration des activités des villageoises dans le quartier même si les activités qui nécessitent des déplacements sont similaires pour les deux groupes de femmes car elles sont essentiellement liées à la vie quotidienne. Ce sont donc les représentations spatiales qui nous fourniront le plus d’indices à l’illustration de ce premier résultat. Il est intéressant ici de remarquer que les niveaux de mobilité des villageoises sont sensiblement supérieurs à ceux des Niaméennes, ce qui signifie que, plus que l’indice d’un réel isolement social, ce sentiment est tout relatif. Ainsi, les villageoises tentent de retrouver, en vain, un environnement connu mais les contraintes urbaines dues, par exemple, à une localisation peu libre dans l’espace urbain les en empêchent. La mobilité des individus est alors plus subie que choisie, ce qui explique que le quartier est un espace plus fréquenté que la ville. Elles continuent, malgré les difficultés rencontrées, à mettre en valeur des repères ruraux qui définissent en fait leur identité (Guétat-Bernard, 1998). Leurs choix se portent donc généralement sur la maison, la famille, le cadre de vie car la ville reste un espace vaste et incertain. Et ces tentatives de reconstruction d’“ un village dans la ville ” peuvent être des échecs dans le cas où la proximité sociale ne rejoint pas la proximité géographique, ce qui explique le désarroi d’un certain nombre de villageois (Piolle, 1990). Ce repli presque individualiste peut être également dû à leur pauvreté qui les empêche de s’insérer dans le processus social traditionnel basé sur la dette (Marie, 1995). Le fait de n’être pas originaire de Niamey amplifie ce phénomène et leur isolement se traduit alors par un désir de ‘“ ne s’occuper dorénavant que d’eux mêmes et de leur proches ”’ et les pousse ‘“ à se poser, face à leurs appartenances communautaires, en tant qu’individus porteurs d’exigences propres ”’ (Marie, 1995, p. 307).

A l’opposé, les Niaméennes évoluent dans un milieu qu’elles connaissent bien. Si leurs attentes sont de type plus villageoise, ce n’est pas tant à cause de leurs modes de vie qu’en référence à un environnement qu’elles ne voient pas changer et à des relations qui sont perpétuées. Elles connaissent peu les nouveaux quartiers et mieux l’ancienne ville avec son centre - marché - lieu de rencontre. De plus, même si le quartier reste le pôle principal de leurs déplacements, elles se déplacent plus loin dans la ville. Elles sont en conséquence plus exigeantes sur leur logement, même avant de l’être sur leur quartier, même si elles y ont développé un fort sentiment de familiarité. Elles n’habitent d’ailleurs pas dans un quartier où l’on vit comme dans un village mais dans une zone constituant une véritable composante d’un ensemble urbain.