I - Typologie des individus et caractéristiques socio-économiques

L’étude de la composition des ménages indique un plus fort taux de polygamie chez les ancrés que chez les autres, à âge égal. Peut-on y voir l’effet d’une certaine stabilité acquise ?

Cette stabilité se confirme par l’augmentation du nombre de propriétaires chez les ancrés. Les arrivants louent leur logement. Ceux qui sont hébergés gratuitement sont en fait des individus installés ou ancrés mais pauvres et actifs qui ont trouvé un logement chez leurs employeurs ou chez des parents par exemple. Si nous ne trouvons pas chez les arrivants plus d’hébergés qu’ailleurs c’est en raison de la population étudiée composée exclusivement de chefs de ménage et d’épouses. Les arrivants sont hébergés, notamment à l’intérieur même des familles et non dans un logement indépendant. D’ailleurs, ils occupent plutôt des célibateriums qui représentent le premier logement après avoir quitté sans doute les hôtes du départ. Après, ils occupent suivant leurs revenus, une villa ou une concession. Enfin, les ancrés, quels que soient leurs revenus, occupent majoritairement des concessions, ce qui s’explique sans doute par le fait qu’à l’âge de l’achat définitif d’une habitation, il y a plus de 20 ans, les villas étaient peu répandues en ville.

La répartition des individus dans la ville reflète aussi le caractère non aléatoire des localisations de l’habitat. Les arrivants habitent relativement plus que les autres la périphérie lotie (ou la zone perçue dangereuse et pauvre), les installés les quartiers riches (nous avons vu dans le paragraphe précédent pourquoi) et les ancrés le péricentre (quartiers populaires et anciens) ou la zone perçue pauvre et villageoise. Cependant, dans le centre nous retrouvons un certain nombre d’aisés ancrés parce qu’ils sont niaméens. D’ailleurs, s’y logent aussi certains arrivants (des actifs aisés adultes ou jeunes) car c’est là qu’ils retrouvent leurs “ frères ”. En effet, de façon générale, le parcours résidentiel du migrant va du centre vers les périphéries (Marcoux, Morin et alii, 1995), puisque ce n’est qu’après un rapprochement que les individus pourront se disperser (Mainet, 1995).

Les ancrés sont nettement moins instruits que les autres, probablement par un effet de génération. En revanche, ce n'est pas un tel effet qui amène les arrivants à être plus instruits que les installés. Le fait d’être parti leur a permis, sans doute, d’aller étudier dans des pays étrangers (un tiers des jeunes actifs aisés a migré hors du Niger, contre 11 % des installés, c’est aussi le cas de la moitié des actifs adultes aisés arrivants contre un tiers de leurs homologues installés). En termes d’emplois, en conséquence, les arrivants et les installés ont plus largement accès au secteur public que les ancrés, et les arrivants plus que les installés qui occupent des postes dans le secteur commercial notamment pour les plus pauvres d’entre eux. De même, les ancrés, plutôt indépendants, occupent moins des postes de cadres. Une exception cependant, les actifs pauvres (précarisés ou non) installés sont plutôt employés ou indépendants alors que les ancrés sont fréquemment des employés. Ainsi, la durée d’installation influe sur la richesse de l’individu : chez les indépendants, les plus riches sont les ancrés, les pauvres sont les installés.

Puisque le type d’emploi influe sur sa localisation, les ancrés travaillent plus chez eux ou dans le quartier d’habitation. Cependant, chez un groupe (les jeunes actifs pauvres précarisés), les ancrés travaillent moins au domicile que les installés. Ceci est dû à une répartition originale des emplois. En effet, les ancrés sont en partie agriculteurs, ce qui les amène à se déplacer dans leurs champs autour de la ville et modifie la répartition de la localisation de l’emploi.

L’influence de la durée de séjour est plus difficile à analyser que celle du lieu de naissance. L’effet génération est encore fortement corrélé à ce déterminant, notamment chez les ancrés. Néanmoins, nous pouvons apporter quelques conclusions :

  • -  le quartier d’habitation ne se choisit pas réellement, il est fonction principalement de la date d’arrivée, les plus anciens étant soit dans le centre, soit en périphérie lointaine. Nous pouvons penser que ceux qui ont eu le plus le “ choix ” sont les installés actifs. Ils ont ou vont acheter un logement en fonction de leurs revenus, ce qui entraîne une répartition sociale des installés dans la périphérie lotie ou les quartiers riches ;
  • -  l’activité professionnelle varie, elle aussi, en fonction de la durée de résidence. Plus les individus sont restés longtemps à Niamey, plus ils occupent des emplois dans le secteur informel et traditionnel (commerce, agriculture ou autres services). En fait, l’université de Niamey est relativement récente et ceux qui sont restés dans la capitale n’ont pas eu accès à des études supérieures leur permettant d’exercer dans le secteur public et de valoriser leurs formations. Les installés sont plus riches individuellement que les arrivants car ils ont accès, avec le temps, à des emplois mieux rémunérés : soit qu’ils sont montés en grade, soit que leurs réseaux d’entraide se soient élargis.