III - Des pratiques du quartier d’habitation en évolution en fonction de la durée de séjour

Le fait d’étudier uniquement la mobilité en semaine tronque en partie l’effectif des groupes puisque chaque individu a été interrogé une fois sur ses déplacements de la veille. Nous n’avons donc pas pu conserver ici tous les groupes pour l’étude de la mobilité. De fait, les groupes dont les effectifs restent représentatifs sont :

Les niveaux de mobilité s’échelonnent entre 2 et 7 déplacements par jour. Les plus faibles appartiennent aux inactives des ménages aisés arrivantes, les plus élevés aux adultes actifs aisés installés. Suivant l’activité professionnelle, nous pouvons observer des différences dans les comportements généraux de mobilité.

Chez les actifs hommes ou femmes, nous ne pouvons comparer que les installés et les ancrés. Les premiers se déplacent moins que les autres. Pour les actives, les ancrées se déplacent plus en modes motorisés. En fait, elles utilisent les transports en commun ce qui leur est plus facile que pour les installées car elles circulent plus en heure de pointe. Ces déplacements réguliers sont liés à la part relativement importante du travail dans leur mobilité alors que les autres femmes se déplacent relativement plus pour la vie quotidienne, et notamment les achats. En outre, les ancrées se déplacent moins dans leur quartier et circulent vers le centre, leur mobilité interne étant principalement motivée par le travail (représentant 42 % des déplacements internes) et la sociabilité (36 % des déplacements internes). Les installées y effectuent encore leurs achats (48 % des déplacements internes) mais peu y travaillent (le travail ne motivant que 22 % des déplacements internes). Ainsi, pour ces actives, l’augmentation de la durée de séjour s’accompagne d’une concentration des activités professionnelles et relationnelles sur le quartier, mais d’une déconcentration des achats vers le centre, ce qui oblige les ancrées à prendre les transports en commun puisqu’elles sont captives. Si les installées, quant à elles, se déplacent plus à l’intérieur du quartier, c’est essentiellement parce qu’elles y effectuent plus d’activités liées à la vie quotidienne.

Pour les actifs pauvres, il n’y pas de différences entre les niveaux de mobilité, ni entre les modes employés. Les installés se déplacent seulement moins en heures creuses que les ancrés. La localisation des activités de ces derniers font qu’ils se déplacent majoritairement à l’intérieur de leur quartier (62 % des déplacements quotidiens) alors que les installés ont une pratique plus étendue de la ville. En fait, pour les ancrés, les sorties, quels qu’en soient les motifs, se localisent plus dans le quartier que pour les installés.

Chez les adultes actifs aisés, nous pouvons observer aussi des différences de mobilité en fonction des durées de séjour. Plus elles s’allongent, moins les individus se déplacent, et moins ils se déplacent en modes motorisés. D’ailleurs un tiers des ancrés est captif contre moins d’un quart des installés. L’organisation des sorties de la journée est à l’origine de ces écarts : les ancrés se déplacent avant tout pour leur travail (55 % de leurs déplacements) alors que les déplacements pour la vie quotidienne (accompagnement par exemple) occupent une part importante de la mobilité des installés. Par ailleurs, la quasi totalité des déplacements des ancrés pour sociabilité ou vie quotidienne s’effectue dans le quartier d’habitation, alors qu’au maximum 40 % des déplacements des installés sont internes au quartier.

En revanche il y a peu de différences de mobilités en fonction des durées de séjour chez les inactives. Il n’y a pas non plus de différence entre les modes utilisés car en fait elles se déplacent essentiellement à pied (plus de 75 % de leurs déplacements sont pédestres et elles sont toutes captives). Nous pouvons cependant observer que, pour les pauvres, il y a plus d’immobiles la veille chez les installées que chez les arrivantes. Néanmoins, il y a peu d’écart dans les niveaux globaux de mobilité. Pour les aisées, ce sont les installées qui se déplacent en plus grand nombre. De plus, elles ont des niveaux de mobilité beaucoup plus élevés que ceux des arrivantes (3,1 déplacements/jour contre 1,9 pour ces dernières). Or, les arrivantes ont des activités de vie quotidienne plus focalisées sur les achats et sur l’accompagnement que les installées, qui effectuent peu d’accompagnements mais plutôt des démarches. Il faut aussi remarquer que, dans leurs déplacements internes, la sociabilité des installées prend une place plus importante que celle des arrivantes.

En définitive, l’influence des durées de séjour sur la mobilité dépend du revenu et de l’activité professionnelle. Les résultats les plus remarquables s’observent sur la mobilité à l’intérieur du quartier d’habitation. Les ancrés sont ceux pour qui cette zone est privilégiée en semaine alors que les installés ou les arrivants ont plus d’activités localisées à l’extérieur. De plus, plus les durées de séjour s’allongent, plus les activités à l’intérieur du quartier sont variées. Par exemple, les inactives arrivantes y effectuent uniquement des achats et quelques activités liées à la sociabilité, tandis que les installées y travaillent aussi. De même, les jeunes actifs pauvres précarisés, s’ils sont installés, n’y ont que des activités liées à la vie quotidienne et, s’ils sont ancrés, s’y déplacent également pour des raisons de sociabilité.

Enfin, l’accompagnement est plutôt une activité d’arrivants et d’installés aisés, ce qui est facilité par un accès plus large à la voiture. Chez les femmes, les activités se diversifient avec l’allongement de la durée de séjour. Au départ, par exemple, la principale activité liée à la vie quotidienne reste les achats. Mais les installées qui connaissent mieux la ville vont aussi y faire des démarches de santé ou administratives. Globalement les activités concernant la vie quotidienne vont diminuer au profit de la sociabilité ou du travail.