I - Migrer : une opportunité pour devenir riche

La constitution des ménages est différente entre les migrants et les non migrants : la moitié de ces derniers a épousé une femme inactive, tandis que ce n’est le cas que d’un quart des migrants, ces derniers étant en couple notamment avec des actives aisées (pour 41 % d’entre eux). Nous voyons donc apparaître une nouvelle forme de ménages, dans lesquels les épouses travaillent. Mais ce phénomène n’est pas l’indice d’un changement fondamental : les migrants n’en sont pas moins polygames que les autres, ils ont le même nombre d’enfants en moyenne (3,4 pour les non migrants et 3,1 pour les migrants des groupes d’actifs riches) et les tailles des ménages sont similaires (6,5 individus en moyenne) alors qu’ils ont en moyenne le même âge (autour de 40 ans).

A cela s’ajoutent des localisations de domicile particulières aux migrants en Occident. Près de 40 % d’entre eux habitent dans des quartiers riches ou perçus comme tels. Or seuls 13 % des autres actifs riches y logent, ils se localisent plus dans le péricentre, ou dans des quartiers à connotation a priori plus pauvre. Du fait de leur richesse, ils sont autant propriétaires les uns que les autres. Cependant, les migrants ont plus accès à des villas modernes (qui constituent le logement de 73 % d’entre eux), tandis que les non migrants sont logés soit dans des célibateriums (pour 31 % d’entre eux), soit dans des concessions (pour près de la moitié d’entre eux). Enfin, les non migrants ont moins déménagé que les migrants à l’intérieur de la ville alors qu’ils sont arrivés au même moment (il y a 12 ans environ), et ce, bien que la moitié des non migrants n’ait jamais quitté la ville, en dehors de ce séjour en Occident.

Enfin, en ce qui concerne l’insertion professionnelle, même s’ils appartiennent aux mêmes catégories de revenu, les non migrants gagnent 30 % de moins que les migrants dont le revenu dépasse 220 000 FCFA en moyenne. Cette différence est due dans un premier temps aux écarts de niveau d’éducation : tous les migrants en Occident ont fait des études supérieures alors que ce n’est le cas que d’un tiers des non migrants. 21 % de ces derniers n’ont même jamais été scolarisés. De fait, les migrants occupent des postes de cadres supérieurs (76 % d’entre eux) ou de cadres moyens (9 %) dans le secteur public, alors que presqu’un quart des non migrants est indépendant dans le commerce et a des rémunérations moins régulières.

Les migrants sont donc des individus appartenant aux couches les plus aisées de la société nigérienne et leur insertion sociale passe par la démonstration de cette situation. En fait, nous pouvons constater une “ officialisation ” de leur statut : ils occupent des emplois haut placés dans le secteur formel, ont choisi un habitat moderne, dans des quartiers réputés habités par des ménages riches. En revanche, les non migrants occupent une place plus “ traditionnelle ” dans l’échelle sociale : leur richesse, quand elle existe, n’est pas due à leur niveau d’études mais à leur réussite dans un réseau sans doute parfois informel. Ils perpétuent des formes d’insertion classiques, tant au niveau de la famille, que de l’habitat et des emplois. Ce sont ces différences que reflètent également les représentations spatiales.