I - Une nouvelle typologie en fonction des parcours migratoires

Nous avons choisi ici de reprendre, à partir des données initiales, les critères choisis pour décrire le parcours migratoire, à savoir le lieu de naissance, la durée de séjour et la migration en Occident, ce qui implique quelques différences dans la définition des termes puisque les populations des entretiens et de l’enquête-ménages ne sont pas les mêmes. Ainsi, la répartition de l’échantillon en fonction du lieu de naissance a pour conséquence que les individus n’ayant pas migré en Occident sont uniquement des Niaméens natifs et des villageois, ce qui supprime alors, par rapport à l’enquête-ménages, le cas des individus nés dans une autre ville. De plus, la durée de séjour est ici en fait le temps passé à Niamey depuis le dernier retour de migrations. La durée de séjour dans le quartier d’habitation n’a pas été prise en compte, car cela s’avérait difficile vu la taille de la population étudiée. En outre, nous avons cherché à définir de façon plus détaillée les limites temporelles d’évolution des représentations dans les discours. Ces durées n’ont donc pas été classées a priori puisqu’il n’y a pas critères valables permettant de définir les bornes. Enfin, les migrations en Occident sont bien celles effectuées après avoir quitté le foyer parental.

Après l’étude de l’influence des trois critères sur les discours, nous avons pu mettre en évidence sept groupes, différenciés par leurs parcours migratoires et leur vécu à Niamey (graphe 5-7). Le premier critère discriminant est la migration en Occident car, ainsi que nous l’avions observé dans l’enquête-ménages, ni le lieu de naissance ni la durée de séjour ne sont aussi influant sur les représentations et les pratiques spatiales.

Pour les migrants en Occident, c’est la fonction exercée qui discrimine ensuite les discours relatifs à l’espace. L’échantillon de l’enquête-ménages ne nous permettait d’étudier que des migrants aisés. Le fait, dans les entretiens, d’avoir recherché des aventuriers dont les succès financiers ou scolaires en Occident ne sont pas avérés permet ici de distinguer ceux qui ont réussi de ceux qui sont rentrés en position de quasi échec, ce que nous avons déterminé en séparant les cadres supérieurs des non cadres supérieurs. Dans le premier cas, c’est ensuite la durée de séjour à Niamey qui s’est révélée discriminante, le délai de trois ans après le retour étant une frontière claire des changements dans les représentations.

Pour les non-migrants en Occident, le lieu de naissance, puis la durée de séjour sont les critères discriminants. Nous avons donc séparé les Niaméens et les villageois puis cherché le temps nécessaire à une évolution significative des représentations. Pour les Niaméens, il s’est avéré qu’elle s’élève à 5 ans et pour les villageois à 15 ans. Ces différences s’expliquent par le fait que les Niaméens, même après un retour de migrations, ont des réseaux de relations familiaux et amicaux installés en ville ainsi que des repères spatiaux. Le temps “ d’acclimatation ” ou “ d’insertion sociale ” est donc moins long pour eux que pour les villageois.

Globalement, la typologie présente à la fois des désavantages et des avantages par rapport à l’étude effectuée sur l’enquête-ménages. Tout d’abord, son principal avantage est de présenter, sur un échantillon de la population, une hiérarchie des critères choisis pour illustrer les parcours migratoires. Elle confirme donc la prééminence des migrations en Occident. Ensuite, elle permet un découpage plus affiné des durées de séjour puisqu’à chaque groupe d’individus, elle attribue des limites temporelles différentes dans l’évolution de ses représentations. Mais elle reste un modèle simplificateur d’une réalité plus complexe. Elle laisse de côté une grande partie de la population (par exemple ceux qui sont nés dans une autre ville). Elle constitue donc une illustration partielle des représentations spatiales identifiées dans l’enquête-ménages, pour une population donnée de chefs de ménage.

Nous présentons successivement les discours spatiaux de chacun des groupes identifiés. Ce travail s’est basé sur l’analyse textuelle des entretiens ainsi que celle des analyses factorielles les organisant. Elles sont illustrées par la projection des groupes de la typologie sur les différents plans d’interprétation des analyses factorielles relatives aux discours sur la ville et sur le quartier d’habitation (graphes 5-8, 5-9, 5-10 et 5-11).

Nous ne nous attardons pas sur les effets de chacun des critères sur les discours spatiaux : ils sont similaires à ceux présentés dans l’enquête-ménages et nous préférons ici montrer comment ils s’imbriquent, afin d’insister sur la complexité et la multiplicité des discours spatiaux ainsi que leurs associations avec les représentations sociales.