II - 2 - a : La multiplication des référents occidentaux au niveau du discours sur la ville

Leur migration en Occident est récente, les référents occidentaux sont donc très présents dans les discours relatifs à la ville. Les comparaisons entre Niamey et les autres villes visitées hors de l’Afrique sont nombreuses, à la faveur ou non de la capitale nigérienne. Lorsqu’elles se placent au niveau environnemental, ils déplorent ainsi le peu de modernisme et la dégradation du bâti et de la voirie ainsi que les déficiences en services publics et sociaux.

[...] Quand il pleut, la ville est infernale. Il y a des flaques partout, il y a trop de boue. [...] Il y a eu beaucoup de dégradations car avant, il y avait des feux optiques et le goudron était bien (entretien n°27 ; Kalley).’

Autres comparaisons à l’avantage de l’Occident : le peu d’esprit civique des citadins et leur faible sentiment de responsabilité notamment au niveau du travail.

Je ne travaille pas comme je devrais le faire. Là-bas [en Occident], j’étais relativement seul, tranquille pour travailler, ici on est trop sollicité (entretien n°6 ; Rive droite).’

Ils se félicitent aussi de l’arrivée de la démocratie au Niger, même si elle ne donne pas à Niamey les résultats espérés :

Avec la politique qui s’est installée, la démocratie, j’ai vraiment compris que les gens parlent un langage qui n’est pas le langage d’avant. Il est dans l’opposition, il est dans ce camp-ci, dans ce camp-là. Les amis que j’ai laissés, qui ne s’intéressaient pas du tout à la politique, je les ai trouvés en plein dedans. Il y en a qui n’arrivent même pas à se parler (entretien n°55 ; Wadata).’

Ce nouveau cadre de référence oblitère complètement les autres, que ce soit le village ou la ville telle qu’elle était quand ils sont partis. Aucun ne mentionne la vie plus facile au village, le problème de la prédominance de l’argent en ville, le manque de solidarité entre citadins, les nuisances urbaines. Les liens avec le village se sont sans doute distendus puisqu’aucun ne déclare pouvoir aider son village en restant en ville. Il faut ici remarquer qu’ils sont peu sensibles à la pauvreté urbaine et aux problèmes qu’elle occasionne, puisque leurs emplois sont assurés et rémunérés régulièrement.

La comparaison avec la ville occidentale entraîne également l’oblitération des progrès dans Niamey : aucun ne signale l’amélioration du bâti ou de la voirie. De même Niamey n’est pas le lieu où l’on peut faire de bonnes études ou passer des concours (ici, l’Occident est encore valorisé), ou même une source d’emplois pour les ruraux.

En outre, du fait peut-être de leur isolement à l’étranger, ils valorisent fortement les relations sociales, le rapprochement familial et celui des amis au niveau de la ville. Ils mettent l’accent dans ce cadre sur la sociabilité africaine qu’ils comparent à l’individualisme occidental. Mais ce sentiment ne se traduit pas par un ancrage affectif fort : aucun ne déclare appartenir à son village ou à Niamey.

[...] Tu as tout ici. Dans la crise où on est, en Europe et ici, il vaut mieux rester ici et essayer d’étudier car là-bas on ne va pas s’en sortir. Il y a des gens qui ont des arriérés de 14 mois de bourse. Ici, tu tournes, tu vas chez ta grand-mère, tu es chez ton oncle, tu vas bouffer (entretien n°55 ; Wadata).’

Globalement, ils restent donc très critiques vis-à-vis de la vie en ville. Ils semblent déçus par leur retour. En effet, malgré leur position de cadres supérieurs, leur situation de fonctionnaires ne leur permet pas financièrement d’avoir le mode de vie auquel ils pensent avoir droit. Ensuite, leur attirance pour la modernité vécue en Occident leur fait porter un regard sévère sur la société niaméenne.