Leur migration étant un échec relatif, le référent occidental est encore plus estompé que dans les autres groupes, indépendamment de toute notion de durée de séjour en ville. S’ils en font mention, c’est généralement pour se plaindre de manque de services sociaux et publics à Niamey en référence à la prise en charge des personnes en difficultés en Occident :
‘ Là-bas [en Occident] le minimum est garanti. Au moins le déplacement, on sent qu’il y a une préoccupation sociale. Donc, les transports, la nourriture, surtout l’éducation et la documentation, même si vous n’avez pas grand chose, si vous n’êtes pas très riche, vous pouvez quand même faire quelque chose. Ici, pas tout à fait (entretien n°46 ; Talladjé).’Ils valorisent cependant encore la solidarité africaine, mais non spécifiquement niaméenne :
‘ Ce qui nous a frappé à notre arrivée à Paris, c’est l’indifférence des gens par rapport aux autres. Vous pouvez tomber dans la rue, je crois qu’on ne vous regardera même pas. Chacun a son monde, chacun est pressé, chacun a son job. Les gens n’ont pas le temps de s’occuper des autres. Vous allez dans un coin gueuler, les gens vont regarder et passer. Ils ne vont pas s’attrouper comme chez nous, ce n’est pas pareil (entretien n°54 ; Balafon).’En effet, ils se replient essentiellement sur le village idéalisé (leur dernier séjour longue durée au village date d’au moins 10 ans), leur sentiment d’appartenance y est d’ailleurs très développé. Ainsi à Niamey l’argent prend trop d’importance et l’esprit de solidarité est moins répandu qu’au village :
‘ [...] Je préfère Gottey [son village d’origine], là-bas, je me sens chez moi. Ici même à Niamey, je ne me plais pas. Je ne suis pas chez moi, je suis dans la capitale, dans la capitale administrative de notre pays. Et je ne fous rien, alors je n’ai pas le droit de vivre à Niamey. [...] j’ai horreur des villes. J’ai tellement vu de villes que la ville ne me plaît plus ; le bruit, les gens ne sont pas comme au village. Ils ne sont pas accueillants (entretien n°47 ; Liberté).’Ce sentiment se traduit aussi par le manque de sens civique des citadins :
‘ Ce qui me déplaît, c’est que les gens ne sont pas disciplinés. Par exemple, ils ne jettent pas leurs ordures dans les dépotoirs (entretien n°26 ; Lamordé).’ ‘’L’espace urbain n’est donc pas valorisé en tant que tel, ils n’évoquent pas les avantages liés au logement, à la modernisation du bâti, au fait que l’on peut trouver du travail en ville ou que l’on peut y faire des études. En fait, les préoccupation financières sont prédominantes, un quart d’entre eux évoquant ses problèmes de pauvreté. Elles leur imposent des contraintes trop fortes pour qu’ils puissent songer à satisfaire d’autres exigences matérielles :
‘ Ce qui me déplaît à Niamey, c’est que les salaires ne sont pas versés régulièrement et que donc les gens n’achètent pas beaucoup. Rien ne me plaît parce qu’il n’y a pas d’argent (entretien n°2 ; Banifandou).’Finalement, ils cherchent à recréer, physiquement et socialement, un environnement rural, ce qui constitue un autre repli défensif. Ils se félicitent d’avoir de l’espace pour vivre et d’habiter près de leurs amis et de leur famille :
‘ Dans mon ancien quartier, il n’y avait pas beaucoup d’espace et la cohabitation avec les autres locataires était difficile. Ici l’air circule mieux, il fait plus frais qu’en centre-ville (entretien n°4 ; Banifandou).’Aucun ne se plaint de l’absence de solidarité au niveau du quartier. Ils ne font aucune remarque sur les mauvais équipements (services urbains ou voirie) de leur quartier ou sa mauvaise localisation. Mais ce discours cache sans doute des difficultés de réinsertions certaines. Ils n’ont pas retiré les avantages escomptés de leur migration, se retrouvent en périphérie de la ville avec une accessibilité aux autres quartiers réduite. Ainsi, l’aspect matériel, comme être à proximité, reste important sur le quartier, certainement pour des raisons financières de coût de déplacement. Globalement, c’est l’ensemble de ces difficultés de réinsertion qui les a incité à une attitude très critique vis-à-vis de l’espace urbain et ils expriment de fait plus un malaise par rapport à une situation personnelle qu’un rejet total de la ville.