V - 2 : L’espace urbain symbole de modernisme

Les référents occidentaux sont nettement moins évoqués que pour les groupes précédents, puisqu’ils n’y sont jamais allés. S’il y a comparaison, elle est toujours en faveur de leur ville, notamment au niveau de la solidarité. L’accent est mis principalement sur la vie sociale, avec une référence à l’évolution de la ville (ils ont constaté son agrandissement) et des modes de vie et aux avantages matériels urbains. De même, les références au village sont, par évidence, très réduites, avec un net avantage pour la ville comme, par exemple, pour les mentalités, les services urbains, la présence de l’université :

On peut y trouver des activités culturelles, des loisirs qu’on ne peut pas trouver ailleurs même à Zinder (entretien n°31 ; Banifandou).’

Parce qu’ils sont jeunes et niaméens de naissance, leur réseau social d’amis est une préoccupation importante dans leur approche de la ville, de même que la proximité familiale.

Ce sont mes parents qui me retiennent ici. Du fait d’un antécédent français [son grand-père], quatre de mes douze frères ont choisi de prendre la nationalité française. Du fait de mes attaches à Niamey, je ne l’ai pas fait car je n’envisage pas de quitter mes parents (entretien n°33 ; Poudrière).
Ce qui me plaît à Niamey c’est que j’y ai toujours vécu. J’ai toutes mes connaissances ici, même si mes parents sont originaires de Zinder, que ce soit des parents, oncles, tantes ainsi que des amis. Ma famille est ma raison d’être (entretien n°35 ; Plateau).’

Ce sont des citadins qui ont conscience de la particularité de l’espace urbain et des avantages qu’il peut lui procurer. L’appréciation de la ville est donc très positive : elle s’est agrandie et modernisée (aucun ne parle de dégradation), la voirie a elle aussi été améliorée. C’est en ville que l’on peut passer des concours ou faire des études. D’ailleurs c’est aussi le seul endroit du Niger où ils peuvent travailler comme ils le veulent.

Niamey est idéal pour travailler, faire des affaires (entretien n°35 ; Plateau).’

Enfin, l’arrivée de la démocratie a été un réel progrès. Un seul bémol à cet optimisme : la solidarité perd de sa valeur. Mais aucun ne parle de dégradation des moeurs ou de pauvreté :

[...] Avant, la vie était communautaire, il y avait de la solidarité. Maintenant se développe un individualisme, ce n’est pas bon. C’est pour les Occidentaux (entretien n°31 ; Banifandou).’

Au niveau du quartier, sa qualité et son emplacement par rapport au reste de la ville sont très importants : il faut se trouver au coeur de Niamey, là où il y a de l’animation et là où habitent les gens intéressants. Ils sont sensibles à la qualité de leur espace physique de proximité, car ils sont “ fiers ” d’habiter en ville et de pouvoir avoir à leur disposition des équipements modernes comme le raccordement à des réseaux d’eau et d’électricité, ou une voirie en bon état :

Ma rue est pavée, c’est propre et agréable (entretien n°33 ; Poudrière).
Les rues sont bien réparties [...] et il n’y a pas de problèmes d’assainissement (entretien n°29 ; Abidjan).’

Cependant, du fait de leurs revenus, ils habitent loin de ce centre. Et s’ils se félicitent du calme de leur quartier d’habitation et de l’espace qu’ils ont à leur disposition, ils se sentent isolés physiquement et socialement :

Je préfère Kalley où je passe tout son temps en famille. Dans Banifandou, je n’ai pas mes amis, mes parents (entretien n°35 ; Plateau).’ ‘’

Ce groupe est “ urbain ” dans le sens où l’espace urbain est très valorisé par rapport au milieu rural, mais aussi intrinsèquement en tant que vecteur de modernité. N’ayant des points de comparaison qu’avec d’autres villes africaines, n’ayant pas non plus des exigences fortes en matière d’insertion professionnelle, ils se plaignent moins que les groupes de migrants et émettent plutôt des critiques positives sur leurs réseaux sociaux, leur travail, les services urbains et l’aspect extérieur de la ville. C’est à Niamey que tout se passe.