VI - 2 : “ Chez soi, c’est chez soi. ç a plaît toujours ”

Leurs caractéristiques sont très semblables à celles du groupe précédent, mais certains aspects de leur discours sont accentués : les références au passé de la ville sont plus nombreuses (ils y habitent depuis plus longtemps), les références à l’Occident sont rares. Ils ont vu les vagues de migrants ruraux venus chercher du travail en ville, l’agrandissement de Niamey et le lotissement de différents quartiers, ainsi que la transformation de la sociabilité traditionnelle qui a accompagné la transformation de Niamey en capitale.

La ville a investi la richesse dans le béton : ça change l’aspect de la ville (entretien n°32 ; Kalley).’

Leur sentiment d’appartenance à la ville est donc très développé : à Niamey, ils sont chez eux.

Je suis de Niamey, j’ai connu les pires moments, mais je suis de là (entretien n°11 ; Banizoumbou).
Partout où l’on est ailleurs que chez soi, ce n’est rien, ça ne compte pas, on y est mais ça ne compte pas : on est comme dans une parenthèse, on n’y est pas vraiment (entretien n°12 ; Banizoumbou).’

De même, au niveau du quartier, peu de points sont évoqués si ce n’est un repli sur le passé idéalisé. Ainsi, la densification des quartiers centraux, du fait de l’arrivée de nouveaux citadins, a provoqué la surpopulation de ceux-ci et beaucoup se plaignent du manque d’espace qu’ils ont pour vivre. Mais le fait d’habiter dans le centre a des avantages en termes de proximité qu’ils reconnaissent en partie.

J’aimerais avoir une concession à l’écart, vers Lamordé car je me sens serré. J’ai des problèmes de surpopulation pour vivre avec ma famille, ma femme. [...] A Liberté, il y a le marché de proximité, ainsi que des services comme la mairie. C’est moins coûteux pour y aller (entretien n°42 ; Liberté).’

Le sentiment d’appartenance au quartier et la sensation de sécurité sont intériorisés : ils n’évoquent pas l’évidence même. La ville est un milieu qu’ils connaissent, même si les changements rapides dont ils ont été les témoins, ont transformé fondamentalement leur environnement, où ils ont parfois du mal à retrouver des repères.

Maintenant la liberté amène les enfants à la délinquance, il y a des enfants qui n’obéissent pas à leurs parents (entretien n°42 ; Liberté).
Ce qui a changé dans le quartier, ce sont les coutumes, tout le monde est mélangé (entretien n°10 ; Deizeibon).’

Comme les individus du groupe précédent, ils peuvent être considérés comme des “ urbains ”, mais ils ont développé un tel sentiment d’ancrage que l’espace a acquis une valeur en tant que telle et en tant que support de toute leur vie. Cette familiarité va de pair avec un fatalisme certain. Ils ne justifient pas leur installation à Niamey, ni dans leur quartier d’habitation puisque, le plus souvent, ils sont restés là où ils sont nés. Beaucoup évoquent le destin et Allah :

Déménager, je ne sais pas, Dieu seul le sait (entretien n°13 ; Banizoumbou).’