VIII - 2 : “ Il faut rester en paix, accepter ce que l’on a ”

Ces individus sont très proches de ceux du groupe précédent mais ils habitent depuis plus longtemps en ville. Leur discours sur la ville est donc animé d’une dimension temporelle urbaine plus forte.

Comme ce sont aussi des non migrants, ils n’emploient pas de référent occidental : pas de comparaison entre les différents services urbains, entre l’efficacité au travail en Occident et en Afrique, pas d’évocation de la politique. Le référent est donc villageois mais à la faveur cette fois de la ville : ils apprécient ainsi la présence de services publics et sociaux, la modernisation du bâti et l’abandon du banco (aucun n’évoque la dégradation du bâti).

La ville s’arrange (entretien n°18 ; Yantala).
Ce qui a changé c’est qu’avant il y avait de la latérite et maintenant ils ont fait quelques bordures, c’est bien. [...] Si je n’étais pas venu à Niamey, je n’aurais par exemple pas pu apprendre le français car je ne suis pas allé à l’école. Je suis même allé en France (entretien n°15 ; Dar Es Salam).’

Ils arrivent même à développer pour certains d’entre eux un sentiment d’appartenance à la ville et sont peu sensibles aux nuisances urbaines (bruit ou pollution par exemple). Elle est moins diabolisée que précédemment : aucun ne craint les vols. La ville n’est plus seulement l’endroit où l’on peut travailler, même si, grâce à elle, on peut aider sa famille, elle devient aussi fonctionnelle. Ainsi, une partie de ces individus évoque les facilités de logement qu’ils peuvent y trouver.

Mais sur de nombreux autres points, et notamment celui de la sociabilité, le village reste très valorisé. Ils pensent que par rapport à celui-ci, il n’y a pas de solidarité en ville où l’argent est trop important. Sur ce point, le référent reste le village, aucun ne signale une transformation dans le temps de la solidarité en ville.

Au village on vit vraiment en communauté. Ici, c’est chacun pour soi. Malgré tout, les gens qui sont nés à Niamey sont différents des ruraux. Car ceux qui sont nés au village gardent toujours cette notion de solidarité. On ne peut pas refuser d’accueillir, d’aider. On garde les coutumes (entretien n°17 ; Gaweye).’

Le sentiment d’appartenance à leur lieu de naissance est clairement exprimé et ils continuent à valoriser la sociabilité en milieu rural. La famille est aussi mise en avant, même s’ils regrettent que la tradition permette le développement d’un certain parasitisme qui les empêche de profiter de leurs gains.

Au moment où je travaillais, ma migration m’a apporté quelque chose de bien, dont je pouvais être fier. Mais là les choses sont compliquées pour moi, surtout que je suis père de famille et que les gens du village peuvent aussi m’apporter leurs charges (entretien n°20 ; Yantala).’

Un tiers d’entre eux se sent ainsi appartenir à son village, la vie y étant plus facile. D’ailleurs ils recherchent le travail aux champs. Par rapport au groupe précédent, la vie au village est donc idéalisée puisque le travail rural perd son caractère fatigant et difficile. Ils insistent ainsi plus sur leur appauvrissement.

Du fait de leur durée de séjour relativement longue en ville, le sentiment de sécurité au niveau du quartier est très développé, ils le connaissent car ils y habitent depuis longtemps. Semblables en ce sens aux vieux Niaméens, ils sont installés depuis longtemps dans le même quartier d’habitation et sont fortement sensibles à ces transformations internes. Mais l’échelle du quartier étant mise en relation avec celle du village, ils ne le comparent que peu avec d’autres quartiers ou ne le situent pas comme appartenant à l’ensemble de la ville.

Il s’agit donc d’un groupe de villageois plus habitués à la vie urbaine et qui ont appris à utiliser les opportunités qui leur sont offertes dans ce cadre : la ville gagne en familiarité et perd son caractère dangereux. Si moins de regrets ont été exprimés par rapport au groupe précédent, le village est idéalisé en matière de solidarité, les individus expriment plus explicitement leur sentiment d’appartenance au village, et sans doute à une partie de leur passé, ils restent donc très critiques vis-à-vis de leur environnement.