La didactique et les savoirs à tranmettre.

‘Le traitement didactique s’élabore à partir des valeurs éducatives qui structurent les formes de danses proposées en un ensemble de savoirs à transmettre.’

Un groupe d’enseignantes propose une définition de la danse qui éclaire une conception particulière de l’activité. “‘La danse est une activité de production de formes, mais aussi de production de sens qui vise une appropriation esthétique du réel par une mobilisation de l’imaginaire, s’investissant dans le pouvoir expressif du corps pour communiquer une émotion à des spectateurs’” 32.

Cette définition est reprise globalement par un ensemble d’enseignants qui travaillent et écrivent sur la danse notamment dans la revue EPS. L’orientation ainsi exprimée est un support de réflexion pour tous ceux qui tentent de rendre intelligible une didactique de la danse.

J. GAILLARD 33, dans la revue EPS, fait l’analyse de cette conception de la danse en mettant au jour ce qu’il considère comme des dérives : l’une est de réduire la danse à un vocabulaire gestuel, l’autre d’associer, à la valeur expressive, la spontanéité et l’instantané. Enfin, attribuer à la danse des significations que le spectateur doit décoder, est le dernier égarement soulevé. L’auteur indique la difficulté pour les didacticiens, d’envisager la nature artistique de cette activité.

Nous observons une tentative d’élaboration de la danse scolaire qui doit extraire des pratiques culturelles dites de référence, des “‘objets d’enseignement, objets les plus distinctifs, ceux qui caractérisent le mieux et dans une première approche telle ou telle activité’”34.

Nous remarquons en effet, que définir la danse à partir d’activité de production de formes, incite l’enseignant à envisager le mouvement dansé à travers une gestualité visuellement identifiable. La notion de formes corporelles tente d’échapper à une technicité. Cependant l’enrichissement d’un vocabulaire gestuel, indispensable à toute visée éducative, s’il est dépourvu de références culturelles, semble illusoire. Aussi, la communication dansée est envisagée sous l’angle des émotions à partager et de l’imaginaire à développer. Cela indique des intentions éducatives générales qui rejoignent des finalités de l’Ecole aujourd’hui. Il est question de codes, de poétique, de langage, d’effets : autant de termes qui incitent les élèves à la fois à s’approprier des modèles corporels existants, et à les comprendre par le raisonnement et par l’intuition.

La danse ainsi didactisée, s’insère dans le contexte de l’éducation physique qui analyse l’activité du sujet à partir d’une triple interrogation : l’affectif, le moteur et le cognitif, et qui cherche dans les activités physiques, comment ces trois aspects sont présents de manière singulière et peuvent donc à ce titre être formulés en savoirs spécifiques. Cette vision pédagogique s’inspire des travaux de PIAGET35 et de WALLON36 concernant le développement de l’enfant et reflète leur volonté de le considérer en prenant en compte l’ensemble de ses potentialités : utilisation rationnelle de son corps dans l’action, expression de ses émotions dans l’activité adaptative et attitude réflexive permettant d’accéder aux concepts.

La danse, nous le remarquons aisément, est décontextualisée culturellement. Celle-ci devient un produit scolaire circonscrit et élaboré à partir du développement du sujet qui n’envisage pas l’élève dans sa culture, mais sous un angle que la psychologie génétique a bien décrit.

Ce modèle n’est pas opérationnel pour nous, dans la mesure où nous nous attachons à comprendre les appropriations culturelles diverses des danses reposant sur des valeurs reconnues.

Mireille ARGUEL propose un nouveau schéma qui intègre les travaux sur l’analyse du mouvement et celle de sa signification esthétique et culturelle . Enseigner la danse c’est prendre en compte “quatre mondes : celui du sensible, de l’intellect, de l’imagination, de la motricité” qui inter agissent grâce à la mémoire. Cette conception se rapproche de la nôtre, oubliant cependant un élément important et pour nous incontournable : les relations sociales spécifiques sollicitées par la danse, et qui nous paraissent être au coeur de cette activité. Le sujet est encore envisagé sous un angle très “psychologisant”.

Il nous semble essentiel d’interroger à nouveau la danse scolaire qui apparaît davantage comme une copie des pratiques culturelles, copie décontextualisée dans le cadre de l’école, à qui on a enlevé le pouvoir de signifier un rapport sensible avec l’environnement. Les anthropologues examinent la danse comme activité humaine produisant de la culture et du social. “‘Il faut considérer la danse comme un acte social crée par des individus pour des individus. Sa transmission et sa signification dépendent des relations entre les gens’” 37.

Il importe donc de situer la danse scolaire dans son contexte, un lieu déterminé par des structures qui régissent les relations entre les personnes, des enseignants et des élèves ayant chacun des rapports sensibles avec l’environnement, porteurs d’éléments culturels signifiants. Les communications reposent sur des intentions, des valeurs plus ou moins partagées qui donnent une intelligibilité aux échanges. Le mouvement mis en jeu par le corps dansant engage l’activité perceptive, l’éveil des sens, la sensualité, l’organicité, l’attention esthétique. Les multiples significations qui s’échappent du mouvement proviennent de son insertion dans une culture commune au danseur et au spectateur dont il importe de décrypter les éléments qui la composent. Pour tous ces attendus, les modèles proposés nous paraissent insuffisants.

Notes
32.

BAFFALIO-DELACROIX et ORSSAUD-FLAMAND. Citées par LE BAS. (A). “Education et enseignement”. INRP. Paris. 1991. 82 p.

33.

GAILLARD.(J). “Processus d’influence pour développer les compétences artistiques” in, revue EPS. n° 256. 62 p.

34.

MARSENACH. (J.) “Education physique et sportive, quel enseignement ? “ INRP. Paris.1991.

35.

PIAGET (J). “La psychologie de l’enfant” coll “Que sais-je “.Paris. n°369. 1966

36.

WALLON (H). “De l’acte à la pensée” Flammarion.Paris.1970.

37.

GRAU. (A). “ L’apprentissage par le corps des liens de parenté chez les TIWI d’australie”. in, Nouvelles de danse. op cit. 68 p.